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326. Le théorème de Bézout pour les polynômes avec les conditions de degré (1/2)

26082019 - 0019

Dans tout cet article, $\K$ désigne un corps. Pour rappel, on dit que deux polynômes de $\K[X]$ sont premiers entre eux dans $\K[X]$, si et seulement si, ils n’admettent aucun diviseur commun non constant dans $\K[X].$

Pour tout entier naturel $p$, notez $\K_p[X]$ l’ensemble des polynômes à coefficients dans $\K$ dont le degré est inférieur ou égal à $p.$ De même, pour tout $P\in\K[X]$, vous notez $\deg P$ le degré du polynôme $P$, avec la convention $\deg 0 = -\infty$ de sorte que $\K_0[X] = \K.$

Une caractérisation de cette définition est donnée par le théorème de Bézout avec la condition de degré : quels que soient les polynômes $A$ et $B$ de $\K[X]$ non constants de degrés respectifs $n$ et $m$, $A$ et $B$ sont premiers entre eux, si et seulement si, il existe un unique polynôme $U\in\K[X]$ de degré inférieur ou égal à $m-1$ et un unique polynôme $V\in\K[X]$ de degré inférieur ou égal à $n-1$ tels que :

AU+BV=1.

Le théorème de Bézout pour les polynômes avec la condition de degré se traduit formellement ainsi :

\boxed{\begin{align*}
\forall (A,B)\in(\K[X]\setminus \K)^2,&  (A\text{ et }B\text{ premiers entre eux})\Longleftrightarrow(\exists ! (U,V)\in \K_{\deg B-1}[X]\times \K_{\deg A-1}[X], AU+BV=1.)
\end{align*}}

Note. Ce qui vous intéresse ici est la condition de degré sur les polynômes $U$et $V$ qui donne le caractère unique des deux polynômes $U$ et $V.$

Note. On rencontre souvent le théorème de Bézout sous la forme :

\begin{align*}
\forall (A,B)\in\K[X]^2,&  (A\text{ et }B\text{ premiers entre eux})\Longleftrightarrow(\exists (U,V)\in \K[X]^2, AU+BV=1.)
\end{align*}

D’une part les polynômes $A$ et $B$ peuvent être constants, mais cela n’a pas de plus-value directe. D’autre part, sans imposer des conditions de degré, les polynômes $U$ et $V$ ne sont pas uniques. Or, les conditions sur les degrés permettent de décomposer la fraction rationnelle $\frac{1}{AB}$ avec une partie entière nulle.

Vérifiez l’énoncé sur un exemple précis

Cette section est un aparté.

Considérez les polynômes de $\R[X]$ suivants :

\begin{align*}
A(X) &= X^3-1\\
B(X) &= 2X^2+3X+4.
\end{align*}

Supposez que les polynômes $A$ et $B$ admettent dans $\R[X]$ un diviseur commun non constant. Notez-le $Q.$

Comme $Q\in\C[X]$, il existe, d’après le théorème de d’Alembert, une racine $\alpha\in\C$ de ce polynôme.

Comme $Q \mid A$ dans $\R[X]$ vous déduisez que $\alpha$ est une racine du polynôme $A$ après évaluation, donc $\alpha \in\{1, j, j^2\}$ où pour rappel vous avez $j=\frac{-1+i\sqrt{3}}{2}$ et $j^2=\frac{-1-i\sqrt{3}}{2}$ et les égalités $1+j+j^2=0$ et $j^3=1.$

Comme $Q\mid B$ dans $\R[X]$ vous déduisez que $\alpha$ est aussi une racine du polynôme $B.$

  • Si $\alpha =1$ vous déduisez $0 = B(1) = 2+3+4 = 9$, contradiction.
  • Si $\alpha = j$ vous déduisez $0 = B(j) = 2j^2+3j+4 = 2(-1-j)+3j+4 = j+2$ d’où $j=-2$ ce qui est absurde.
  • Enfin, si $\alpha=j^2$ vous avez $0 = B(j^2) = 2j^4+3j^2+4 = 2j + 3(-1-j)+4 = -j+1$ d’où $j=1$ ce qui est absurde.

Par conséquent, les polynômes $A$ et $B$ sont premiers entre eux dans $\R[X].$

Note. Ce résultat peut aussi être établi en utilisant l’algorithme d’Euclide, mais il a été privilégié ici l’utilisation d’une racine commune aux deux polynômes $A$ et $B$ dans l’hypothèse où ils ne seraient pas premiers entre eux.

Analyse

Soient $U\in\R_1[X]$ et $V\in\R_2[X]$ tels que $AU+BV=1.$

Il existe $(a,b)\in\R^2$ et $(u,v,w)\in\R^3$ tels que :

\begin{align*}
U(X) &= aX+b\\
V(X) &= uX^2+vX+w.
\end{align*}

D’une part :

\begin{align*}
A(X)U(X) &= (X^3-1)(aX+b)\\
 &= aX^4+bX^3-aX-b.
\end{align*}

D’autre part :

\begin{align*}
B(X)V(X) &= (2X^2+3X+4)(uX^2+vX+w)\\
 &= 2uX^4+2vX^3+2wX^2\\
&\quad+3uX^3+3vX^2+3wX\\
&\quad+4uX^2+4vX+4w\\
&=2uX^4+(3u+2v)X^3+(4u+3v+2w)X^2+(4v+3w)X+4w.
\end{align*}

Par somme, vous déduisez :

\begin{align*}
A(X)U(X)+B(X)V(X) &= (a+2u)X^4+(b+3u+2v)X^3\\&\quad+(4u+3v+2w)X^2+(-a+4v+3w)X+(-b+4w)\\
1 &= (a+2u)X^4+(b+3u+2v)X^3\\&\quad+(4u+3v+2w)X^2+(-a+4v+3w)X+(-b+4w).
\end{align*}

L’identification des coefficients fournit :

\left\{\begin{array}{llllll}
 \hphantom{-}a&&+2u&&&=0\\
&\hphantom{+}b&+3u&+2v&&=0\\
&&\hphantom{+}4u&+3v&+2w&=0\\
-a&&&+4v&+3w &=0\\
&-b&&&+4w&=1.
\end{array}
\right.

Note. En écrivant ce système sous forme matricielle, vous reconnaissez la transposée de la matrice de Sylvester. En effet, la matrice du système est :

M = \begin{pmatrix}
1 & 0 & 2 & 0 & 0\\
0 & 1 & 3 & 2 & 0\\
0 & 0 & 4 & 3 & 2\\
-1 & 0 & 0 & 4 & 3\\
0 & -1 & 0 &0 & 4
\end{pmatrix}.

Elle affiche sur les colonnes les coefficients du polynôme $A(X) = 1X^3+0X^2+0X-1$ deux fois (ce qui correspond au degré de $B$) suivis des coefficients du polynôme $B(X)=2X^2+3X+4$ trois fois en décalé (ce qui correspond au degré de $A$.) La matrice de Sylvester affiche les coefficients sur les lignes.

Mise sous forme échelonnée du système

Il vous reste à résoudre le système. Vous procédez avec la méthode du pivot et les opérations élémentaires.

L’opération $L_4\leftarrow L_4+L_1$ fournit :

\left\{\begin{array}{llllll}
 \hphantom{-}a&&+2u&&&=0\\
&\hphantom{+}b&+3u&+2v&&=0\\
&&\hphantom{+}4u&+3v&+2w&=0\\
&&\hphantom{+}2u&+4v&+3w &=0\\
&-b&&&+4w&=1.
\end{array}
\right.

Puis vous effectuez $L_5\leftarrow L_5+L_2$ :

\left\{\begin{array}{llllll}
 \hphantom{-}a&&+2u&&&=0\\
&\hphantom{+}b&+3u&+2v&&=0\\
&&\hphantom{+}4u&+3v&+2w&=0\\
&&\hphantom{+}2u&+4v&+3w &=0\\
&&\hphantom{+}3u&+2v&+4w&=1.
\end{array}
\right.

Vous effectuez $L_4\leftarrow L_4-\frac{1}{2}L_3$ :

\left\{\begin{array}{llllll}
 \hphantom{-}a&&+2u&&&=0\\
&\hphantom{+}b&+3u&+2v&&=0\\
&&\hphantom{+}4u&+3v&+2w&=0\\
&&&\hphantom{+}\frac{5}{2}v&+2w &=0\\
&&\hphantom{+}3u&+2v&+4w&=1.
\end{array}
\right.

Vous effectuez $L_5\leftarrow L_5-\frac{3}{4}L_3$ :

\left\{\begin{array}{llllll}
 \hphantom{-}a&&+2u&&&=0\\
&\hphantom{+}b&+3u&+2v&&=0\\
&&\hphantom{+}4u&+3v&+2w&=0\\
&&&\hphantom{+}\frac{5}{2}v&+2w &=0\\
&&&-\frac{1}{4}v&+\frac{5}{2}w&=1.
\end{array}
\right.

Vous effectuez $L_4\leftarrow 2L_4$ :

\left\{\begin{array}{llllll}
 \hphantom{-}a&&+2u&&&=0\\
&\hphantom{+}b&+3u&+2v&&=0\\
&&\hphantom{+}4u&+3v&+2w&=0\\
&&&\hphantom{+}5v&+4w &=0\\
&&&-\frac{1}{4}v&+\frac{5}{2}w&=1.
\end{array}
\right.

Vous effectuez $L_5\leftarrow -4L_5$ :

\left\{\begin{array}{llllll}
 \hphantom{-}a&&+2u&&&=0\\
&\hphantom{+}b&+3u&+2v&&=0\\
&&\hphantom{+}4u&+3v&+2w&=0\\
&&&\hphantom{+}5v&+4w &=0\\
&&&\hphantom{+2}v&-10w&=-4.
\end{array}
\right.

Vous effectuez $L_4\leftrightarrow L_5$ :

\left\{\begin{array}{llllll}
 \hphantom{-}a&&+2u&&&=0\\
&\hphantom{+}b&+3u&+2v&&=0\\
&&\hphantom{+}4u&+3v&+2w&=0\\
&&&\hphantom{+2}v&-10w&=-4\\
&&&\hphantom{+}5v&+4w &=0.
\end{array}
\right.

Vous effectuez $L_5\leftarrow L_5-5L_4$ :

\left\{\begin{array}{llllll}
 \hphantom{-}a&&+2u&&&=0\\
&\hphantom{+}b&+3u&+2v&&=0\\
&&\hphantom{+}4u&+3v&+2w&=0\\
&&&\hphantom{+2}v&-10w&=-4\\
&&&&\hphantom{+}54w &=20.
\end{array}
\right.

Vous simplifiez la dernière ligne après division par 2 :

\left\{\begin{array}{llllll}
 \hphantom{-}a&&+2u&&&=0\\
&\hphantom{+}b&+3u&+2v&&=0\\
&&\hphantom{+}4u&+3v&+2w&=0\\
&&&\hphantom{+2}v&-10w&=-4\\
&&&&\hphantom{+}27w &=10.
\end{array}
\right.

Résolution du système

La dernière équation fournit $\boxed{w=\frac{10}{27}.}$

Puis :

\begin{align*}
v &=-4+10w\\
&=-4+\frac{100}{27}\\
&=\frac{-108}{27}+\frac{100}{27}.
\end{align*}

Ainsi, $\boxed{v=\frac{-8}{27}.}$

Du coup :

\begin{align*}
4u &=-3v-2w\\
&=\frac{24}{27}+\frac{-20}{27}\\
&=\frac{4}{27}.
\end{align*}

Aussitôt, $\boxed{u=\frac{1}{27}.}$

Puis :

\begin{align*}
b &=-3u-2v\\
&=\frac{-3}{27}+\frac{16}{27}.
\end{align*}

Cela aboutit à $\boxed{b=\frac{13}{27}.}$

Enfin $a=-2u$ d’où $\boxed{a=\frac{-2}{27}.}$

Concluez sur l’analyse

D’après ce qui précède, les polynômes $U$ et $V$ sont uniques. Ils ont pour expressions respectives :

\boxed{\begin{align*}
U(X) &= \frac{-2X+13}{27}\\
V(X) &= \frac{X^2-8X+10}{27}.
\end{align*}}

Synthèse

Note. La synthèse pourrait être évitée, vu que la résolution du système fournit en réalité une condition nécessaire et suffisante. Il est ici privilégié une vérification, par un calcul direct, du fait que les polynômes précédemment trouvés sont effectivement solution du problème posé.

Soient $U$ et $V$ les polynômes réels définis par :

\begin{align*}
U(X) &= \frac{-2X+13}{27}\\
V(X) &= \frac{X^2-8X+10}{27}.
\end{align*}

Vous calculez tout d’abord le produit $AU$ :

\begin{align*}
A(X)U(X) &= \frac{(X^3-1)(-2X+13)}{27}\\
 &= \frac{-2X^4+13X^3+2X-13}{27}.
\end{align*}

Vous développez le produit $BV$ :

\begin{align*}
B(X)V(X) &= \frac{(2X^2+3X+4)(X^2-8X+10)}{27}\\
 &= \frac{2X^4-13X^3-2X+40}{27}.
\end{align*}

Par somme, il vient :

\begin{align*}
A(X)U(X)+B(X)V(X) &= \frac{40-13}{27}\\
 &= \frac{27}{27}.
\end{align*}

Par conséquent, vous avez bien :

AU+BV=1.

Concluez sur l’analyse-synthèse

Les polynômes réels $A$ et $B$ étant définis par :

\begin{align*}
A(X) &= X^3-1\\
B(X) &= 2X^2+3X+4
\end{align*}

sont premiers entre eux et non constants.

De plus, il existe un unique polynôme $U\in\R_1[X]$ et un unique polynôme $V\in\R_2[X]$ tels que :

AU+BV=1.

Le théorème de Bézout avec les conditions de degré est bien vérifié sur cet exemple.

Démontrez le théorème de Bézout avec les conditions de degré

Preuve de l’existence des polynômes de Bézout lorsque deux polynômes non constants sont premiers entre eux

Vous choisissez ici d’effectuer une démonstration par récurrence sur le degré d’un des deux polynômes.

Pour tout entier $n$ non nul, vous notez $\mathscr{P}(n)$ la propriété suivante :

\begin{align*}
\forall (A,B)\in(\K[X]\setminus \K)^2,&   
\left\{\begin{align*}
&A\text{ et }B\text{ premiers entre eux} \\
&\deg B = n
\end{align*}\right.
\implies(\exists (U,V)\in \K_{n-1}[X]\times \K_{\deg A-1}[X], AU+BV=1.)
\end{align*}

Initialisation de la récurrence

Soient $A$ et $B$ deux polynômes à coefficients dans $\K$, non constants, premiers entre eux et de sorte que $B$ soit de degré $1.$

Il existe $(b_1,b_0)\in\K^2$ avec $b_1\neq 0$ tel que :

B(X) = b_1X+b_0.

La division du polynôme $A$ par le polynôme $B$ fournit l’existence de deux polynômes $Q\in\K[X]$ et $R\in\K[X]$ avec $\deg R < \deg B$ tels que :

A = BQ+R.

Comme $\deg B = 1$ vous déduisez que $R$ est constant.

Supposez que $R$ soit le polynôme nul. Alors $A = BQ$, ce qui fournit $B\mid A.$

Or, si vous posez $\alpha = -\frac{b_0}{b_1}$, vous avez $B(\alpha)=0.$ Par suite, $A(\alpha) = 0.$

Comme $\alpha\in\K$ est racine du polynôme $A$, il existe un polynôme $S\in\K[X]$ tel que $A(X) = (X-\alpha)S(X).$

Comme $B(X) = b_1\left(X+\frac{b_0}{b_1}\right)$ vous déduisez $B(X) = b_1(X-\alpha).$

Le polynôme $X-\alpha$ de $\K[X]$ est un diviseur commun non constant des polynômes $A$ et $B$, ce qui contredit le fait qu’il soient premiers entre eux. Donc $R$ n’est pas le polynôme nul.

Vous déduisez de ce qui précède qu’il existe $k\in\K^{*}$ tel que $R(X) = k.$

L’égalité $A=BQ+R$ s’écrit :

\begin{align*}
&A(X)-B(X)Q(X) = k\\
&\frac{1}{k}A(X)+\frac{-Q(X)}{k}B(X) = 1.
\end{align*}

Vous posez $U(X) = \frac{1}{k}$ et $V(X) = \frac{-Q(X)}{k}.$

Vous obtenez :

AU+BV=1.

$U$ est constant donc $U\in\K_0[X].$

D’autre part :

A-R = BQ.

Comme $A$ n’est pas constant, $\deg A \geq 1.$ Comme $R$ est constant et non nul, $\deg R = 0.$ Du coup :

\deg(A-R) = \deg A.

En prenant les degrés, vous déduisez :

\deg A = \deg(A-R) = \deg B + \deg Q.

Ainsi $\deg Q = \deg A – \deg B.$

Comme $B$ est de degré $1$, vous déduisez $\deg Q = \deg A – 1$ et par suite $Q\in\K_{\deg A – 1}[X].$

Du coup, $V\in \K_{\deg A – 1}[X].$

La propriété $\mathscr{P}(1)$ est vraie.

Hérédité

Soit $n$ un entier naturel non nul. Vous supposez que la propriété $\mathscr{P}(n)$ est vérifiée.

Vous considérez deux polynômes $A$ et $B$ à coefficients dans $\K$, non constants et premiers entre eux, de sorte que $B$ soit de degré $n+1.$

Vous effectuez la division euclidienne du polynôme $A$ par le polynôme $B.$

Il existe deux polynômes $Q$ et $R$, à coefficients dans $\K$ tels que :

\begin{align*}
&A=BQ+R\\
&\deg R < \deg B.
\end{align*} 

Ainsi, $R\in\K_{n}[X].$

Si $R$ est le polynôme nul, alors $A=BQ$ donc $B$ est un diviseur commun non constant aux polynômes $A$ et $B$. Donc $A$ et $B$ ne sont pas premiers entre eux, ce qui est absurde.

Donc $R\neq 0.$

1er cas. Si $R$ est constant, alors il existe $k\in\K^{*}$ tel que $A = BQ+k.$

Comme $A-R = BQ$ vous déduisez :

\deg(A-R) = \deg B + \deg Q.

Comme $A$ n’est pas constant et que $R$ est constant, $\deg R < \deg A$ donc $\deg (A-R) = \deg A.$

Du coup :

\deg A - \deg B = \deg Q.

Comme $B$ n’est pas constant, il vient $Q\in\K_{\deg A – 1}[X].$

Puis :

\begin{align*}
&A-BQ = k\\
&\frac{1}{k}A(X) + \frac{-Q(X)}{k}B(X) = 1.
\end{align*}

Vous posez $U(X) = \frac{1}{k}A(X)$ et $V(X) = \frac{-Q(X)}{k}$ pour avoir finalement :

\begin{align*}
&AU+BV=1\\
&\deg U =0\\
&\deg V \leq \deg A -1.
\end{align*} 

La propriété $\mathscr{P}(n+1)$ est donc vérifiée.

2ème cas. Le polynôme $R$ n’est pas constant.

Supposez que les polynômes $B$ et $R$ ne soient pas premiers entre eux. Il existe un diviseur $D$ commun aux polynômes $B$ et $R$ qui ne soit pas constant.

Il vient successivement :

\begin{align*}
&D \mid BQ\\
&D\mid R\\
&D \mid BQ+R\\
&D\mid A.
\end{align*}

$D$ est un diviseur commun non constant aux polynômes $A$ et $B$, donc $A$ et $B$ ne sont pas premiers entre eux, ce qui est absurde.

Vous déduisez que $B$ et $R$ sont premiers entre eux.

Il a été vu que $R\in\K_{n}[X]$ donc l’hypothèse de récurrence s’applique aux polynômes $B$ et $R.$

Il existe deux polynômes $U’$ et $V’$ à coefficients dans $\K$ tels que :

\begin{align*}
&BU'+RV'=1\\
&\deg U' < \deg R\\
&\deg V' < \deg B.
\end{align*} 

Or :

A-BQ=R.

Du coup :

\begin{align*}
&BU'+(A-BQ)V'=1\\
&AV'+BU'-BQV'=1\\
&AV'+B(U'-QV')=1.
\end{align*}

Vous posez :

\begin{align*}
&U = V'\\
&V=U'-QV'.
\end{align*} 

Les polynômes $U$ et $V$ sont bien à coefficients dans $\K.$

D’une part :

\deg U = \deg V'\\
\deg V' < \deg B.

Du coup :

\deg U \leq \deg B -1.

D’autre part :

BV=1-AU.

Si $U = 0$, alors $BV=1$ donc $\deg B+\deg V = 0$ or $\deg B \geq 1$ ce qui est absurde.

Donc $U\neq 0$ et par suite $AU$ n’est pas constant. Donc $\deg AU \geq 1$ et par suite $\deg (1-AU) = \deg (AU).$

Il vient :

\begin{align*}
\deg B + \deg V&=\deg (1-AU)\\
&=\deg (AU)\\
&=\deg A +\deg U.
\end{align*}

Par suite :

\deg V = \deg A+\deg U-\deg B.

Comme $\deg U-\deg B\leq -1$ il vient $\deg V \leq \deg A-1.$

La propriété $\mathscr{P}(n+1)$ est bien vérifiée.

Concluez sur la récurrence

Il vient d’être démontré l’existence des polynômes de Bézout avec la condition de degré.

\begin{align*}
\forall (A,B)\in(\K[X]\setminus \K)^2,&   

(A\text{ et }B\text{ premiers entre eux})
\implies(\exists (U,V)\in \K_{\deg B-1}[X]\times \K_{\deg A-1}[X], AU+BV=1.)
\end{align*}

Preuve de l’unicité des polynômes de Bézout lorsque deux polynômes non constants sont premiers entre eux

Vous considérez deux polynômes $A$ et $B$ à coefficients dans $\K$, non constants et premiers entre eux.

D’après ce qui précède, il existe des polynômes $U$ et $V$ à coefficients dans $\K$ tels que :

\begin{align*}
&AU+BV=1\\
&\deg U \leq\deg B-1\\
&\deg V\leq \deg A-1.
\end{align*}

Supposez qu’il existe deux autres polynômes $U’$ et $V’$ à coefficients dans $\K$ tels que :

\begin{align*}
&AU'+BV'=1\\
&\deg U' \leq\deg B-1\\
&\deg V'\leq \deg A-1.
\end{align*}

Il vient successivement :

\begin{align*}
&AU+BV = AU'+BV'\\
&AU-AU'=BV'-BV\\
&A(U-U')=B(V'-V).
\end{align*} 

Du coup, après multiplication par $V’-V$ de l’égalité $AU+BV=1$ :

\begin{align*}
&AU(V'-V)+B(V'-V)V = V'-V\\
&AU(V'-V)+A(U-U')V = V'-V\\
&A\left[U(V'-V)+(U-U')V\right] = V'-V\\
&A\left[UV'-U'V\right] = V'-V.
\end{align*} 

Vous posez :

D = UV'-U'V.

Vous avez :

AD = V'-V.

Si $D$ n’est pas le polynôme nul, il vient :

\begin{align*}
&\deg ( AD) \geq \deg A \\
&\deg ( V'-V) \geq \deg A.
\end{align*}

Comme $V$ et $V’$ sont deux polynômes ont des degrés inférieurs ou égaux à $\deg A-1$, il en est de même du polynôme $V’-V.$ Par conséquent $\deg (V’-V)\leq \deg A-1$, ce qui contredit le résultat précédent.

Donc $D=0$ d’où $AD=0$ puis $V=V’.$

L’égalité $A(U-U’)=B(V’-V)$ fournit $A(U-U’)=0.$ Or $A$ n’est pas le polynôme nul puisqu’il est non constant. Par intégrité de l’anneau $\K[X]$ il vient $U-U’=0$ et $U=U’.$

A ce stade l’existence et l’unicité des polynômes de Bézout avec la condition de degré sont démontrées.

\begin{align*}
\forall (A,B)\in(\K[X]\setminus \K)^2,&   

(A\text{ et }B\text{ premiers entre eux})
\implies(\exists ! (U,V)\in \K_{\deg B-1}[X]\times \K_{\deg A-1}[X], AU+BV=1.)
\end{align*}

Preuve de la réciproque : si les polynômes de Bézout existent, les polynômes de départ sont premiers entre eux

Vous considérez deux polynômes $A$ et $B$ à coefficients dans $\K$ et non constants.

Vous supposez qu’il existe des polynômes $U$ et $V$ à coefficients uniques dans $\K$ tels que :

\begin{align*}
&AU+BV=1\\
&\deg U \leq\deg B-1\\
&\deg V\leq \deg A-1.
\end{align*}

Seule la condition $AU+BV=1$ sera utilisée.

En effet, supposez que $A$ et $B$ admettent un diviseur commun $D$ non constant à coefficients dans $\K.$.

Vous avez successivement :

\begin{align*}
&D\mid A\\
&D\mid AU\\
&D\mid B\\
&D\mid BV.
\end{align*}

Du coup, par somme :

\begin{align*}
&D\mid AU+BV\\
&D \mid 1.
\end{align*} 

Il existe un polynôme $E$ à coefficients dans $\K$ tel que :

DE = 1.

Donc $E$ n’est pas le polynôme nul, donc $\deg E \geq 0.$
Or, en prenant les degrés :

\deg D + \deg E = 0.

Or $\deg D \geq 1$ donc $\deg D+\deg E\geq 1$ ce qui est absurde.

Les polynômes $A$ et $B$ n’admettant aucun diviseur commun non constant, ils sont premiers entre eux.

Le théorème de Bézout avec les conditions de degré est ainsi prouvé, il s’énonce de façon formelle ainsi :

\boxed{\begin{align*}
\forall (A,B)\in(\K[X]\setminus \K)^2,&   

(A\text{ et }B\text{ premiers entre eux})
\Longleftrightarrow(\exists ! (U,V)\in \K_{\deg B-1}[X]\times \K_{\deg A-1}[X], AU+BV=1.)
\end{align*}}

Prolongement

Soient $A$ et $B$ deux polynômes non constants à coefficients dans un corps $\K$, tels que $A$ et $B$ soient premiers entre eux dans $\K[X].$

Existe-t-il un procédé systématique permettant de calculer les polynômes $U$ et $V$ tels que $AU+BV=1$ avec les conditions de degré $\deg U \leq \deg B-1$ et $\deg V \leq \deg A-1$ sans être amené à résoudre un système ? La réponse est donnée par l’affirmative et sera explicitée dans le contenu rédigé dans l'article 327.

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