Soit $n$ un entier naturel non nul, $\K$ un corps et $A$ une matrice appartenant à $M_n(\K).$
$\K^n$ désigne l’ensemble des matrices colonnes à $n$ lignes à coefficients dans $\K.$
Il existe un polynôme unitaire de degré minimal, noté $\Pi\in\K[X]$ tel que $\Pi(A)=0.$
Le but de cet article consiste à donner une méthode générale permettant de calculer $\Pi.$
Les premiers paragraphes sont théoriques, ceux de la fin donnent un cas pratique.
Le polynôme minimal d’un vecteur
Pour tout vecteur $x\in\K^n$ non nul, il existe un unique polynôme $P_x$ unitaire de degré minimal tel que $P_x(A)x = 0.$
Une première information sur $\Pi$ est donnée par le théorème suivant.
Pour tout vecteur $x\in \K^n$ non nul, le polynôme minimal de $x$, noté $P_x$ divise le polynôme minimal $\Pi$ de la matrice $A$.
Cette information est cruciale, sauf que, pour avoir $\Pi$, combien faut-il prendre de vecteurs ? L’idée c’est que si $(e_1,…,e_n)$ est une base de $\K^n$, $\forall i\in\N, 1\leq i \leq n \Longrightarrow P_{e_i} | \Pi.$
Alors on constate que si $Q$ est le PPCM des polynômes $P_{e_i}$ quand $i$ est compris entre $1$ et $n$, alors $Q$ divise $\Pi$. Il y a en fait égalité : comme chaque $P_{e_i}$ annule le vecteur $e_i$, on en déduit que $\forall i \in\N, 1\leq i \leq n \Longrightarrow P_{e_i}(A)e_i = 0 \Longrightarrow Q(A)e_i = 0.$
Enfin, par linéarité, on conclut que $Q(A)=0.$ Si $x\in\K^n$, il existe $(a_1,…,a_n)\in\K^n$ tel que $x=\sum_{k=1}^n a_ie_i$ et donc $Q(A)x =\sum_{k=1}^n a_iQ(A)e_i = 0.$
Ainsi il apparaît que $Q = \Pi.$
Le cas d’une base générée par plusieurs vecteurs cycliques
Au début vous choisissez un vecteur $x_1$ non nul et pour calculer $P_{x_1}$, vous calculez successivement $Ax_1$, $A^2x_1$ jusqu’à obtenir un premier entier $k$ tel que $A^kx_1$ soit une combinaison linéaire des $A^\ell x_1$ pour $1\leq \ell \leq k-1.$ Les coefficients trouvés vous donnent $P_{x_1}.$
Vous choisissez ensuite un vecteur $x_2$ n’appartenant pas à l’espace cyclique engendré par $x_1$, et calculez de même $P_{x_2}$ jusqu’à ce que vous ayez une base de $\K^n$ de la forme $(x_1, Ax_1, … A^{k_1}x_1, …, x_p, Ax_p, …, A^{k_p}x_p).$ Notez bien ici que $k_i$ n’est pas forcément le degré du polynôme $P_{x_i}.$ En itérant le vecteur $x_i$ sur $A$, il se peut que $A^p x_i$ soit combinaison linéaire des vecteurs précédents… autant itérer permet de trouver le polynôme minimal du vecteur $x_i$, autant il faudra prendre moins de vecteurs pour garder une famille libre…
En notant $Q$ le PPCM de $P_{x_1}$, …, $P_{x_p}$ nous prétendons que $\Pi$ est égal à $Q$.
Pour tout $i\in\N$ compris entre $1$ et $p$, le polynôme $P_{x_i}$ divise le polynôme $\Pi$, du coup, $Q$ divise $\Pi.$
Soit $i$ un entier compris entre $1$ et $p$.
Soit $j$ un entier compris entre $0$ et $k_i.$
Par définition de $P_{x_i}$, $P(x_i)$ divise $\Pi.$
Notez $P_{x_i}(X) = \sum_{k=0}^{d} a_kX^k.$
Vous avez $\sum_{k=0}^{d} a_kA^k x_i = 0.$ Multipliez cette relation par $A^j.$
Alors $\sum_{k=0}^{d} a_kA^k (A^j x_i)= 0.$ Cela prouve que le polynôme minimal de $A^j x_i$ divise $P_{x_i}$ qui lui-même divise $Q$.
Ainsi $Q$ annule tous les vecteurs de la base $(x_1, Ax_1, … A^{k_1}x_1, …, x_p, Ax_p, …, A^{k_p}x_p)$ et par linéarité $Q(A)=0.$
D’où l’égalité $Q = \Pi.$
Et maintenant, un exemple de calcul dans $\R$
Considérez la matrice réelle définie par $A = \begin{pmatrix}
3 & 0 & -1 & 1\\
2 & 2 & 1 & 2\\
-3 & 0 & 2 & -3\\
-4 & 0 & 1 & -2
\end{pmatrix}.$
L’idée première consiste à choisir un vecteur $x$ de sorte que l’espace cyclique $<x>$ soit facile à calculer.
Vous choisissez $x = \begin{pmatrix}
0 \\
1\\
0\\
\end{pmatrix}.$
Alors $Ax = \begin{pmatrix}
0 \\
2\\
0\\
\end{pmatrix}.$
D’où $Ax = 2x$ et donc $(A-2I)x=0.$
Le polynôme minimal du vecteur $x$ est $X-2.$ N’ayant pas encore une base de $\R^4$ il faut continuer.
La famille $(x)$ étant libre, vous choisissez un vecteur $y$ tel que $y\notin \vect (x)$ de sorte que la famille $(x,y)$ soit libre.
La troisième colonne de $A$ étant la plus simple après la seconde, vous choisissez $y = \begin{pmatrix}
0 \\
0\\
1\\
\end{pmatrix} $ qui convient. Vous cherchez à trouver le polynôme minimal du vecteur $y.$
$Ay = \begin{pmatrix}
-1 \\
1\\
2\\
1
\end{pmatrix}.$
La famille $(y,Ay)$ est libre, il faut continuer.
$A^2 y = A \begin{pmatrix}
-1 \\
1\\
2\\
1
\end{pmatrix} = \begin{pmatrix}
-4 \\
4\\
4\\
4
\end{pmatrix}$
Vous constatez que $A^2y = 4Ay-4y$, donc $(A^2-4A+4I)y = 0$ et $X^2-4X+4 = (X-2)^2.$
La famille $(x,y,Ay)$ étant libre, il manque un vecteur pour obtenir une base de $\R^4.$
Choisissez $z\in\R^4 \setminus \vect(x,y,Ay).$ Par exemple $z = \begin{pmatrix}
0\\
0\\
0\\
1
\end{pmatrix}$ convient.
$Az = \begin{pmatrix}
1 \\
2\\
-3\\
2
\end{pmatrix}$
La famille $(z,Az)$ est libre.
$A^2z = A \begin{pmatrix}
1 \\
2\\
-3\\
2
\end{pmatrix} = \begin{pmatrix}
4 \\
-1\\
-3\\
-3
\end{pmatrix} $
La famille $(z,Az,A^2z)$ est libre.
$A^3z = A \begin{pmatrix}
4 \\
-1\\
-3\\
-3
\end{pmatrix}= \begin{pmatrix}
12 \\
-3\\
-9\\
-13
\end{pmatrix}.$
Vous remarquez que $A^3 z = 3A^2z – 4z$ d’où $(A^3-3A^2+4I)z=0$ donc $z$ admet $X^3-3X^2+4$ pour polynôme minimal. Pour le factoriser, on teste si $2$ est une racine de ce polynôme. C’est bien le cas et c’est même une racine double : $X^3-3X^2+4 = (X-2)(X^2-X-2) = (X-2)^2(X+1).$
Ainsi le polynôme $\Pi$ est un multiple de $(X-2)^2(X+1)$.
Remarquez que le polynôme $(X-2)^2(X+1)$ annule tous les vecteurs de la base $(x,y,Ay,z).$ En effet, vous avez $(A-2I)^2(A+I) x = 0$, $(A-2I)^2(A+I) y = 0$ et $(A-2I)^2(A+I) z = 0$, du coup $(A-2I)^2(A+I) (Ay) = 0.$
Par linéarité il s’ensuit que $(A-2I)^2(A+I)=0$ ce qui prouve que $\boxed{\Pi = (X-2)^2(X+1)}.$
Peut-on se passer des vecteurs cycliques ?
Tout à fait, si on ne veut pas tester les conditions de liberté de la forme « est-ce que $Ay$ est une combinaison linéaire de $x$ et de $y$ ? », il suffit de travailler avec une base $(e_1,…,e_n)$ de $\K^n.$
Le polynôme minimal $\Pi$ de la matrice $A$ est égal au PPCM des polynômes minimaux (pris sur $A$) des vecteurs d’une base de $\K^n.$
$\Pi =$ PPCM $(P_{e_i})_{1\leq i\leq n}.$
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