Considérez un entier $n$ supérieur ou égal à $2$ et fixez un polynôme, noté $P$, à coefficients complexes, de degré $n.$
Le théorème de Gauss-Lucas fournit une information sur la localisation des racines du polynôme dérivé $P’$ à partir des racines de $P.$
Note. Pour avoir $P’$ non constant (et donc scindé sur $\C[X]$) l’hypothèse $n\geq 2$ s’avère pertinente. Le cas où $P$ est constant conduit à $P’ = 0$ et $P’$ est constant. Le cas où $P$ est de degré $1$ amène à avoir $P’$ constant aussi.
Grâce au théorème de d’Alembert, le polynôme $P$ est scindé sur $\C[X]$. Autrement dit, il existe un nombre complexe $a$ non nul et $n$ nombres complexes $\lambda_1,\dots,\lambda_n$ pas nécessairement distincts, tels que :
\boxed{P(X) = a(X-\lambda_1)\cdots(X-\lambda_n).}
Remarque. Toujours grâce au théorème de d’Alembert, $P’$ qui est non constant est scindé sur $\C[X]$ et il admet au moins une racine complexe.
Calculez le polynôme dérivé $P’$
Quand on dérive un produit, on ne dérive qu’un seul facteur à la fois, puis on fait la somme. Ceci peut être illustré avec $2$ ou $3$ facteurs, quels que soient les polynômes complexes $F$, $G$ et $H$ vous avez :
\begin{align*} (FG)' &= F'G+FG'\\ (FGH)' &= F'GH+FG'H+FGH'. \end{align*}
Vous écrivez $P(X)$ comme le produit suivant :
P(X)= a\prod_{i=1}^n (X-\lambda_i).
En dérivant cette expression, vous déduisez :
\boxed{P'(X) = a\sum_{j=1}^n \prod_{\substack{1\leq i \leq n\\ i\neq j}} (X-\lambda_i).}
Exemple. Avec $n=3$, vous avez :
P(X) =a(X-\lambda_1)(X-\lambda_2)(X-\lambda_3).
En dérivant, il vient :
P'(X) = a(X-\lambda_2)(X-\lambda_3)+a(X-\lambda_1)(X-\lambda_3)+a(X-\lambda_1)(X-\lambda_2).
Trouvez une égalité satisfaite pour une racine de $P’$
Soit maintenant $z$ un nombre complexe qui soit une racine du polynôme dérivé $P’.$
Le cas le plus rapide est celui où $z\in\{ \lambda_i, 1\leq i\leq n\}.$
Supposez dans la suite que :
z\notin\{ \lambda_i, 1\leq i\leq n\}.
Comme $P'(z) =0$, il vient :
a\sum_{j=1}^n \prod_{\substack{1\leq i \leq n\\ i\neq j}} (z-\lambda_i) = 0.
En divisant par $a$ qui est non nul, vous avez :
\sum_{j=1}^n \prod_{\substack{1\leq i \leq n\\ i\neq j}} (z-\lambda_i) = 0.
D’autre part, pour tout entier $i\in\llbracket 1, n\rrbracket$, $z-\lambda_i\neq 0.$
Du coup, le produit suivant est non nul :
\prod_{i=1}^n (z-\lambda_i)\neq 0.
Fixez maintenant un entier $j\in\llbracket 1, n\rrbracket.$
Le quotient suivant se simplifie :
\begin{align*} \frac{ \prod_{\substack{1\leq i \leq n\\ i\neq j}} (z-\lambda_i) }{\prod_{i=1}^n (z-\lambda_i)} &=\frac{ \prod_{\substack{1\leq i \leq n\\ i\neq j}} (z-\lambda_i) }{(z-\lambda_j)\prod_{\substack{1\leq i \leq n\\ i\neq j}} (z-\lambda_i)} \\ &= \frac{1}{z-\lambda_j}. \end{align*}
Ainsi :
\boxed{\forall j\in\llbracket 1,n\rrbracket, \frac{ \prod_{\substack{1\leq i \leq n\\ i\neq j}} (z-\lambda_i) }{\prod_{i=1}^n (z-\lambda_i)} = \frac{1}{z-\lambda_j}.}
En divisant $\sum_{j=1}^n \prod_{\substack{1\leq i \leq n\ i\neq j}} (z-\lambda_i) = 0$ par le produit $\prod_{i=1}^n (z-\lambda_i)$ vous déduisez :
\sum_{j=1}^n \frac{ \prod_{\substack{1\leq i \leq n\\ i\neq j}} (z-\lambda_i) }{\prod_{i=1}^n (z-\lambda_i)}= 0.
Finalement, pour tout nombre complexe $z$ qui est racine de $P’$ :
\boxed{\sum_{j=1}^n \frac{1}{z-\lambda_j} = 0 \text{ ou } z\in\{\lambda_i, 1\leq i\leq n\}.}
Exemple. Avec $n=3$, si $z$ est une racine de $P’$ telle que $z\notin\{\lambda_i, 1\leq i\leq 3\}$, vous avez :
\frac{1}{z-\lambda_1}+\frac{1}{z-\lambda_2}+\frac{1}{z-\lambda_3} = 0.
L’enveloppe convexe des racines de $P$
Cet ensemble est défini comme étant l’ensemble des nombres complexes qui peuvent s’écrire comme un barycentre des nombres $\lambda_1,\dots,\lambda_n.$
Formellement, l’enveloppe convexe des racines de $P$ est défini par :
\boxed{C = \{u\in\C, \exists (t_1,\dots,t_n)\in\R_{+}^n \setminus (0,\dots,0),\quad t_1\lambda_1+\cdots t_n\lambda_n =(t_1+\cdots+t_n)u \}.}
Montrez que toute racine de $P’$ appartient à l’enveloppe convexe des racines de $P$
Soit $z$ une racine de $P’.$
Traitez le cas où $z$ est racine de $P$
Si $z\in\{ \lambda_i, 1\leq i\leq n\}$, il existe $k\in\llbracket 1,n\rrbracket$ tel que $z = \lambda_k.$
Pour tout $i\in\llbracket 1,n \rrbracket \setminus \{k\}$ vous posez $t_i = 0.$ Vous posez $t_k = 1.$
D’une part :
t_1\lambda_1+\cdots+t_n\lambda_n = t_k\lambda_k = \lambda_k.
D’autre part :
(t_1+\cdots+t_n) z = 1\times \lambda_k.
Ainsi :
t_1\lambda_1+\cdots+t_n\lambda_n = (t_1+\cdots+t_n) z.
Pour tout $i\in\llbracket 1, n\rrbracket$, $t_i\in\R_{+}$ et comme $t_k\neq 0$ vous avez $(t_1,\dots,t_n)\neq (0,\dots,0).$
Donc $\boxed{z\in C.}$
Traitez le cas où $z$ n’est pas racine de $P$
Vous avez l’égalité :
\sum_{j=1}^n \frac{1}{z-\lambda_j} = 0.
Afin de faire apparaître des nombres réels positifs, vous multipliez les $n$ fractions par le conjugué de leur dénominateur. Cela est rendu possible puisque, pour tout $j\in\llbracket 1, n\rrbracket$, $\overline{z} \neq \overline{\lambda_j}.$
\sum_{j=1}^n \frac{\overline{z}-\overline{\lambda_j}}{(z-\lambda_j)(\overline{z}-\overline{\lambda_j})} = 0.
Cela s’écrit, avec le module :
\sum_{j=1}^n \frac{\overline{z}-\overline{\lambda_j}}{\vert z-\lambda_j\vert^2} = 0.
Vous conjuguez encore cette égalité :
\sum_{j=1}^n \frac{z-\lambda_j}{\vert z-\lambda_j\vert^2} = 0.
Ainsi :
\begin{align*} \sum_{j=1}^n \frac{z}{\vert z-\lambda_j\vert^2} &= \sum_{j=1}^n \frac{\lambda_j}{\vert z-\lambda_j\vert^2}\\ \left(\sum_{j=1}^n \frac{1}{\vert z-\lambda_j\vert^2}\right)z &= \sum_{j=1}^n \frac{1}{\vert z-\lambda_j\vert^2}\lambda_j. \end{align*}
Pour tout $j\in\llbracket 1, n\rrbracket$, vous posez $t_j = \frac{1}{\vert z-\lambda_j\vert^2}$ qui est un réel strictement positif.
Vous avez obtenu :
\left(\sum_{j=1}^n t_j\right) z = \sum_{j=1}^n t_j\lambda_j.
Comme $t_1\neq 0$, $(t_1,\dots,t_n)\in\R_{+}\setminus \{0,\dots,0\}.$
Ainsi vous avez encore $\boxed{z\in C.}$
Le théorème de Gauss-Lucas est démontré et il s’énonce ainsi : pour tout polynôme $P\in\C[X]$ de degré supérieur ou égal à $2$, toute racine de $P’$ appartient à l’enveloppe convexe des racines de $P.$
Premier prolongement
Soit $P$ un polynôme réel scindé de degré supérieur ou égal à $2$. Autrement dit, il existe un entier $m$ supérieur ou égal à $2$, un nombre $a\in\R$ non nul et des réels $r_1,\dots,r_m$ avec $r_1\leq \cdots \leq r_m$ tels que :
P(X) = a(X-r_1)\cdots(X-r_m).
Pourriez-vous démontrer, à l’aide du théorème de Gauss-Lucas, que $P’$ est scindé sur $\R[X]$ et que toute racine de $P’$ appartient à l’intervalle $[r_1,r_m]$ ?
Autre prolongement
Si $P$ est un polynôme réel de degré supérieur ou égal à $2$ et qui admet au moins deux racines réelles distinctes, notées, $r_1 < \dots < r_q$, est-il vrai que toutes les racines réelles de $P’$ sont situées dans l’intervalle $[r_1,r_q]$ ? Pour en savoir davantage, allez lire le contenu rédigé dans l'article 336.
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