Dans cet article, les notions d’anneaux et d’ensemble-quotient ne seront pas abordées. L’approche choisie consiste à démontrer le résultat de l’indicatrice d’Euler en travaillant principalement dans l’ensemble $\Z$ des entiers relatifs.
Notations
Pour tout entier naturel $a$ et tout entier naturel $n$ non nul, la notation $(a \mod n)$ désignera le reste de la division euclidienne de $a$ par $n.$
Pour tout entier naturel $n$ non nul, vous notez $\varphi(n)$ le nombre d’éléments de l’ensemble :
U_n = \{k\in\Z, \mathrm{PGCD}(k,n)=1\text{ et } 0\leq k\leq n-1\}.
Il s’agit de démontrer que si $m$ et $n$ sont deux entiers naturels non nuls tels que $\mathrm{PGCD}(m,n)=1$, alors :
\varphi(mn)=\varphi(m)\varphi(n).
Dans toute la suite de cet article, vous fixez deux entiers $m$ et $n$ non nuls fixés, tels que $\mathrm{PGCD}(m,n)=1.$
Construisez une application de l’ensemble $U_{mn}$ vers le produit $U_m\times U_n$
Soit $x$ un élément de $U_{mn}.$
Pour être certain d’obtenir un entier de l’ensemble $U_m$ et un entier de l’ensemble $U_n$ vous effectuez la division euclidienne de $x$ par $m$ et $n$ respectivement. Il existe quatre entiers uniques $q_n, r_n, q_m, r_m$ avec $0\leq r_n\leq n-1$ et $0\leq r_m\leq m-1$ tels que :
Il s’agit maintenant de comprendre pourquoi le couple $(r_m,r_n)$ est un élément de l’ensemble $U_m\times U_n.$
Notez $d = \mathrm{PGCD}(r_m,m).$ Comme $d$ divise $m$, $d$ divise le produit $q_m m.$ Comme $d$ divise aussi $r_m$, il divise la somme $q_m m + r_m.$ Par suite, $d$ divise $x.$
Comme $d$ divise $m$ et que $m$ divise le produit $mn$ vous déduisez que $d$ divise $mn.$ Comme $d$ divise $mn$ et $x$, c’est un diviseur commun à $x$ et à $mn.$ Or, $x\in U_{mn}$ donc $ \mathrm{PGCD}(x,mn) = 1.$ Il en résulte que $d=1.$
Il est ainsi démontré que $\mathrm{PGCD}(r_m,m) = 1.$ Vu que $0\leq r_m\leq m-1$ vous déduisez $\boxed{r_m\in U_m.}$
Un raisonnement identique permet d’aboutir à la conclusion $\boxed{r_n\in U_n.}$
Par le procédé décrit ci-dessus, vous avez défini une application $f$ qui va de $U_{mn}$ dans $U_m\times U_n.$ Elle est définie, pour tout entier $k\in U_{mn}$ par :
f(k) = ((k\mod m) , (k\mod n)).
Démontrez l’injectivité de cette application
Soient $x$ et $y$ deux éléments de $U_{mn}$ tels que $f(x) = f(y).$
Quand vous effectuez la division euclidienne de $x$ par $m$, puis celle de $y$ par $m$, vous constatez qu’il existe un couple $(q_n,q_m)$ d’entiers tel que :
x = q_x m+(x\mod m)\\
y = q_y m + (y\mod m).
Comme $(x\mod m) = (y\mod m)$ par soustraction, vous déduisez :
x-y = q_xm-q_ym = m(q_x-q_y).
Ainsi l’entier $m$ divise la différence $x-y.$
En suivant un raisonnement similaire pour $n$, vous aboutissez au fait que $n$ divise aussi la différence $x-y.$
D’après ces constats, il existe deux entiers $m’$ et $n’$ tels que :
Vous déduisez $mm’ = nn’$ puis $n \mid mm’.$ Comme $\mathrm{PGCD}(m,n)=1$ le théorème de Gauss fournit $n \mid m’.$ Donc il existe un entier $k$ tel que $m’ = kn.$
L’égalité $x-y = mm’$ devient $x-y = mkn$ si bien que le produit $mn$ divise $x-y.$
Vous allez supposer que $k$ n’est pas nul, ce qui implique $\vert k \vert \geq 1.$
Du coup, $\vert x-y \vert = \vert k \vert \times mn$ d’où $\vert x-y\vert \geq mn.$
Or, $x$ et $y$ sont deux éléments de $U_{mn}$ donc $0\leq x \leq mn -1$ et $0\leq y \leq mn-1.$
Par suite, $1-mn\leq -y \leq 0$ et par somme avec $0\leq x\leq mn-1$ il vient $1-mn \leq x-y \leq mn-1.$
Cette double inégalité fournit $\vert x-y \vert \leq mn-1.$ Or, $mn\leq \vert x-y\vert$ du coup $mn\leq mn-1$ ce qui est une contradiction.
Ainsi, $k=0$ et $x-y=0$ et $x=y.$ L’injectivité de la fonction $f$ est ainsi démontrée.
Démontrez la surjectivité de cette application
Soit $(u,v)$ un couple de l’ensemble $U_m\times U_n.$
Grâce au théorème chinois dont une preuve se trouve dans le contenu rédigé dans l'article 309, il existe un entier $x$ tel que :
Sans utiliser le symbôle de la congruence, cela signifie qu’il existe un entier $r$ et un entier $s$ tels que :
\left\{\begin{align*}
x = u +rm\\
x = v+ sn.
\end{align*}
\right.
A priori, on n’est pas sûr que $x$ soit compris entre $0$ et $mn-1.$
Vous allez considérer $y = x\mod mn$, le reste de la division de $x$ par le produit $mn.$
Il existe un entier $q$ tel que $x = qmn + y$ et l’inégalité $0\leq y \leq mn-1$ est vérifiée.
D’une part :
\begin{align*}
y &= x-qmn\\
&=u+rm-qmn\\
&=(r-qn)m+u.
\end{align*}
Comme $r-qn$ est un entier et que $u$ est compris entre $0$ et $m-1$, l’entier $u$ est de reste de la division de $y$ par $m$, donc $u = (y\mod m).$
D’autre part :
\begin{align*}
y &= x-qmn\\
&=v+sn-qmn\\
&=(s-qm)n+v.
\end{align*}
Comme $s-qm$ est un entier et que $v$ est compris entre $0$ et $n-1$, l’entier $v$ est de reste de la division de $y$ par $n$, donc $v = (y\mod n).$
Notez maintenant $d$ le plus grand diviseur commun des entiers $y$ et $m.$
Comme $d\mid m$ il vient $d\mid qmn.$ Or, $x = y+qmn$ donc $d\mid x.$ Comme $\mathrm{PGCD}(x,m)=1$ et que $d$ est un diviseur commun à $x$ et à $m$, vous déduisez $d = 1$ et par suite $\mathrm{PGCD}(y,m)=1.$
Notez maintenant $f$ le plus grand diviseur commun des entiers $y$ et $n.$
Comme $f\mid n$ il vient $f\mid qmn.$ Or, $x = y+qmn$ donc $f\mid x.$ Comme $\mathrm{PGCD}(x,m)=1$ et que $f$ est un diviseur commun à $x$ et à $m$, vous déduisez $f = 1$ et par suite $\mathrm{PGCD}(y,n)=1.$
Il s’agit de comprendre maintenant pourquoi $\mathrm{PGCD}(y,mn)=1.$ Si tel n’est pas le cas, $\mathrm{PGCD}(y,mn)\geq 2$ et il existe un nombre premier $p$ tel que $p$ divise $\mathrm{PGCD}(y,mn).$ Comme $\mathrm{PGCD}(y,mn)$ divise $mn$ vous déduisez que $p$ divise $mn.$
Par le lemme d’Euclide, soit $p$ divise $m$, soit $p$ divise $n.$ Supposez que $p$ divise $m$ alors $p$ divisant $\mathrm{PGCD}(y,mn)$ qui divise $y$, vous déduisez $p\mid y.$ Du coup $p$ est un diviseur commun à $y$ et à $m.$ Comme $\mathrm{PGCD}(y,m)=1$ vous déduisez $p\leq 1$ ce qui est impossible, puisque $p$ en tant que nombre premier est supérieur ou égal à $2.$ Supposez que $p$ divise $n.$ Alors le raisonnement est similaire. En effet, vous trouvez $p\mid y$ et $p\mid n.$ Comme $\mathrm{PGCD}(y,n)=1$ cela entraîne $p\leq 1$ ce qui est impossible.
Du coup $\mathrm{PGCD}(y,mn)=1$ avec $0\leq y \leq mn-1.$ Donc $y$ est un élément de $U_{mn}.$
Il vient alors :
\begin{align*}
f(y) &= ((y\mod m), (y\mod n))\\
&= (u,v).
\end{align*}
La surjectivité de $f$ est ainsi démontrée.
Concluez
L’application $f$ est une bijection de $U_{mn}$ dans $U_m\times U_n.$
Les ensembles de départ et d’arrivée de $f$ ont donc le même nombre d’éléments, ce qui fournit le résultat :
Dans cet article, vous notez $\mathscr{P}$ l’ensemble des nombres premiers.
Un nombre $p$ sera qualifié de premier, si et seulement si, il est entier et supérieur ou égal à $2$ et si, quels que soient les entiers naturels $a$ et $b$ non nuls :
\boxed{p = ab \implies \left(\left\{\begin{align*}a&=1\\ b&=p\end{align*}\right. \quad \text{ ou }\quad \left\{\begin{align*}a&=p\\ b&=1.\end{align*}\right.\right)}
Un nombre entier supérieur ou égal à $2$ qui n’est pas premier sera qualifié de nombre composé.
Caractérisez un nombre entier composé
Soit $n$ un nombre entier supérieur ou égal à $2.$ Supposez que $n$ ne soit pas premier. Alors il existe deux entiers naturels $a$ et $b$ non nuls tels que $p=ab$ et ils vérifient ce qui suit :
(*):\left\{\begin{align*}
a&\neq 1 \text{ ou } b\neq n\\
a&\neq n \text{ ou } b\neq 1.
\end{align*}\right.
Si $a=1$, alors $b\neq n$ d’après la première ligne de $(*).$ Or, la condition $n=ab$ devient $n=b$ ce qui amène à une contradiction. Donc $a\geq 2.$
Si $a=n$, alors $b\neq 1$ d’après la deuxième ligne de $(*).$ Or, la condition $n=ab$ devient $n=nb$ et comme $n\neq 0$ vous déduisez $b=1$ ce qui amène à une contradiction.
Si $a>n$, alors en multipliant par $b$ qui est strictement positif, il vient $ab>nb$ et la condition $n=ab$ fournit $n>nb$ et en divisant par $n>0$ il vient $1>b$ ce qui contredit le fait que $b$ et un entier naturel non nul.
Vous déduisez de cette analyse que $2\leq a \leq n-1.$
Le raisonnement est strictement identique pour $b.$
Il est ainsi établi que, pour tout nombre naturel $n$ supérieur ou égal à $2$, si $n$ n’est pas premier, alors il existe deux entiers $a$ et $b$ tels que :
\left\{\begin{align*}
&n=ab\\
&2\leq a \leq n-1\\
&2\leq b \leq n-1.
\end{align*}\right.
Réciproquement, soit $n$ un nombre entier supérieur ou égal à $2$ tel qu’il existe deux entiers $a$ et $b$ vérifiant les conditions suivantes :
(**): \left\{\begin{align*}
&n=ab\\
&2\leq a \leq n-1\\
&2\leq b \leq n-1.
\end{align*}\right.
Si $n$ était premier, alors soit $a$ serait égal à $1$, ce qui contredit la deuxième ligne de $(**)$ soit $a$ serait égal à $n$, ce qui contredit encore la deuxième ligne de $(**).$
La caractérisation est ainsi établie.
Pour tout nombre naturel $n$ supérieur ou égal à $2$, $n$ n’est pas premier, si et seulement si, il existe deux entiers $a$ et $b$ tels que :
\boxed{\left\{\begin{align*}
&n=ab\\
&2\leq a \leq n-1\\
&2\leq b \leq n-1.
\end{align*}\right.}
Le lemme d’Euclide à partir du raisonnement par l’absurde
Vous cherchez à démontrer le lemme d’Euclide qui stipule que quel que soit le nombre premier $p$ et quels que soient les entiers naturels non nuls $a$ et $b$, si $p$ divise le produit $ab$, alors $p$ divise $a$ ou $p$ divise $b.$
Les deux arguments de minimalité
Vous supposez que le lemme d’Euclide n’est pas vérifié.
Vous en concluez qu’il existe un nombre $p_0$ premier et ainsi que deux entiers naturels non nuls $a_0$ et $b_0$ tels que :
Vous introduisez alors l’ensemble suivant afin d’utiliser un premier argument de minimalité :
\boxed{A = \{u\in\mathscr{P}, \exists(a,b)\in(\NN)^2, u\mid ab \text{ et }u\nmid a \text{ et }u\nmid b\}.}
Comme $p_0\in A$, l’ensemble $A$ est non vide.
Les inclusions $A\subset \mathscr{P} \subset \N$ montrent que $A$ est une partie non vide de $\N.$ Elle admet donc un plus petit élément que vous notez $p.$
Par définition de $p$ vous avez $p\in A.$ De plus, $p$ est un nombre premier et il existe deux entiers naturels non nuls $a$ et $b$ tels que :
Vous effectuez la division euclidienne de $a$ par $p.$ Il existe un quotient $q_a\in\N$ et un reste $r_a\in\N$ avec $0\leq r_a\leq p-1$ tels que $a = q_a p + r_a.$
Notez que si $r_a = 0$ alors $a = q_a p$ donc $p\mid a$ ce qui est absurde. Donc :
1\leq r_a\leq p-1.
De même, vous effectuez la division euclidienne de $b$ par $p.$ Il existe un quotient $q_b\in\N$ et un reste $r_b\in\N$ avec $0\leq r_b\leq p-1$ tels que $b = q_b p + r_b.$
Notez que si $r_b = 0$ alors $b = q_b p$ donc $p\mid b$ ce qui est absurde. Donc :
1\leq r_b\leq p-1.
Vous calculez maintenant le produit $ab$ ce qui fournit :
\begin{align*}
ab &= ( q_a p + r_a)( q_b p + r_b)\\
&=( q_a p + r_a) q_b p + ( q_a p + r_a) r_b\\
&=( q_a q_b p + r_a q_b) p + q_a r_b p + r_a r_b\\
&=( q_a q_b p + r_a q_b+ q_a r_b) p + r_a r_b.
\end{align*}
Ainsi :
r_a r_b = ab -( q_a q_b p + r_a q_b+ q_a r_b) p.
Or, $p$ divise $ab.$
Comme $p$ divise le produit $( q_a q_b p + r_a q_b+ q_a r_b) p$ vous concluez par différence que :
p\mid r_ar_b.
Vous posez $r = r_a+r_b$ et définissez l’ensemble $B$ suivant pour préparer le second argument de minimalité :
L’ensemble $B$ est une partie non vide de $\N$ elle admet donc un plus petit élément que vous notez $s.$
Aboutissez à une contradiction
Par définition de l’entier $s$, il existe deux entiers $h$ et $k$, compris entre $1$ et $p-1$ tels que $s = h+k$ et $p\mid hk.$
Comme les nombres $p$ puis $h$ et $k$ sont des entiers naturels non nuls, il existe un entier naturel $q$ non nul tel que :
hk = pq.
Si $q$ est égal à $1$, alors $hk = pq$ s’écrit $hk = p.$ Comme $h$ et $k$ sont des entiers naturels non nuls et que $p$ est premier, cela entraîne :
\left\{\begin{align*}h&=1\\ k&=p\end{align*}\right. \text{ ou } \left\{\begin{align*}h&=p\\ k&=1.\end{align*}\right.
Dans le premier cas, $k = p$ c’est absurde puisque $k \leq p-1.$ Dans le second cas, $h = p$ mais c’est encore absurde puisque $h \leq p-1.$
Vous en déduisez que $q\geq 2.$
Comme $1\leq h < p$ et comme $1\leq k < p$ par produit il vient $1\leq hk < p^2.$ Comme $hk = pq$ il vient $pq < p^2.$ En divisant par $p$ qui est strictement positif vous déduisez $q<p.$
Or, tout entier naturel supérieur ou égal à $2$ est divisible par un nombre premier.
Soit $p’\in\mathscr{P}$ tel que $p’ \mid q.$ Comme $q\mid pq$ et comme $hk = pq$ vient $q\mid hk.$ Finalement, vous avez $p’\mid q \mid hk.$
Donc $p’$ est un nombre premier divisant le produit $hk$ avec $h$ et $k$ entiers naturels non nuls. Comme $p’\leq q \leq p-1$ vous avez $p'<p.$ Or $p$ est le plus petit élément de $A$ du coup $p’\notin A.$ Il en résulte que, soit $p’ \mid h$ soit $p’\mid k.$
Supposez que $p’\mid h.$ $h$ étant non nul, il existe un entier naturel non nul $h’$ tel que $h = p’h’.$ Comme $p’\mid q$ et que $q$ est non nul, il existe un entier naturel non nul $q’$ tel que $q = p’q’.$
L’égalité $hk = pq$ s’écrit $p’h’k = pp’q’.$ Comme $p’$ est non nul, il vient $h’k = pq’$ du coup $p\mid h’k.$
Vous posez maintenant $s’ = h’+k.$ L’égalité $h=p’h’$ avec $p’\geq 2$ entraîne $h'<h.$ Or $h\leq p-1$ donc $1\leq h’\leq p-1.$ Comme vous avez déjà $k\in\llbracket 1, p-1\rrbracket$ vous déduisez que $s’\in B.$
Le second argument de minimalité est utilisé ici. $s$ est le minimum de $B$ donc $s\leq s’$ si bien que $h+k\leq h’+k$ d’où $h\leq h’.$ Cela est contradictoire avec $h'<h.$
Il en résulte $p’\mid k.$ $k$ étant non nul, il existe un entier naturel non nul $k’$ tel que $k = p’k’.$ Comme $p’\mid q$ et que $q$ est non nul, il existe un entier naturel non nul $q’$ tel que $q = p’q’.$
L’égalité $hk = pq$ s’écrit $hp’k’ = pp’q’.$ Comme $p’$ est non nul, il vient $hk’ = pq’$ du coup $p\mid hk’.$
Vous posez maintenant $s » = h+k’.$ L’égalité $k=p’k’$ avec $p’\geq 2$ entraîne $k'<k.$ Or $k\leq p-1$ donc $1\leq k’\leq p-1.$ Comme vous avez déjà $h\in\llbracket 1, p-1\rrbracket$ vous déduisez que $s »\in B.$
Le second argument de minimalité est encore utilisé ici. $s$ est le minimum de $B$ donc $s\leq s »$ si bien que $h+k\leq h+k’$ d’où $k\leq k’.$ Cela est contradictoire avec $k'<k.$
L’hypothèse de départ est ainsi fausse, ce qui prouve que le lemme d’Euclide est démontré.
Certains tests de primalité font appel au calcul modulaire. L’objectif est d’éviter d’obtenir des nombres trop importants et des degrés très élevés dans les calculs de polynômes.
Dans cet article vous allez aborder :
un calcul modulaire à partir d’exemples pour expliciter les premières démarches,
un calcul explicite du polynôme $(1+X)^{24}$ modulo $24$ et $X^2-1$,
une théorie des polynômes à coefficients entiers modulo un entier $n$ non nul et un polynôme $Q$ à coefficients entiers et de degré supérieur ou égal à $1.$
La théorie des polynômes à coefficients entiers modulo $n$ et $Q$
Cette théorie est développée afin de justifier que les calculs menés ci-dessus sont valables.
Soit $n$ un entier naturel non nul et $Q$ un polynôme à coefficients entiers, de degré supérieur ou égal à $1.$
Vous allez munir l’anneau $\Z[X]$ de la relation binaire $\mathscr{R}$ suivante.
Quels que soient les polynômes $P_1$ et $P_2$ à coefficients entiers, vous écrirez $P_1\mathscr{R} P_2$, si et seulement si, les coefficients du polynôme $P_1-P_2$ sont tous divisibles par $n$ et si $Q$ est un diviseur du polynôme $P_1-P_2.$
Montrer que la relation $\mathscr{R}$ est réflexive
Soit $P$ un polynôme à coefficients entiers. Le polynôme $P-P$ est le polynôme nul, donc tous ses coefficients sont divisibles par $n$, puisque $n\times 0 = 0.$
De même $P-P = Q\times 0$ ce qui prouve que $Q$ est un diviseur de $P-P.$
Par conséquent, $\boxed{P\mathscr{R}P.}$
Montrer que la relation $\mathscr{R}$ est symétrique
Soient $P_1$ et $P_2$ deux polynômes à coefficients entiers, tels que $P_1\mathscr{R} P_2.$
Les coefficients du polynôme $P_1-P_2$ sont tous divisibles par $n.$
D’une part, comme $P_1-P_2$ est un polynôme à coefficients entiers, il existe un entier naturel $d$ et des entiers $u_0, \dots, u_d$ tels que :
P_1(X)-P_2(X) = \sum_{i=0}^d u_iX^i.
L’hypothèse précédente fournit :
\forall i\in\llbracket0, d\rrbracket, n\mid u_i.
Or, pour tout entier $i$ compris entre $0$ et $d$, $-u_i = (-1)\times u_i$ si bien que $u_i\mid -u_i.$ ll s’ensuit que :
\forall i\in\llbracket0, d\rrbracket, n \mid -u_i.
D’autre part :
P_2(X)-P_1(X) = \sum_{i=0}^d (-u_i)X^i.
L’entier $n$ divise tous les coefficients du polynôme $P_2-P_1.$
Remarquez maintenant que $P_2-P_1 = (-1)\times (P_1-P_2)$ donc $P_1-P_2\mid P_2-P_1.$ Comme $Q\mid P_1-P_2$ vous déduisez par transitivité que $Q\mid P_2-P_1.$ Ainsi $P_2\mathscr{R} P_1.$
Montrer que la relation $\mathscr{R}$ est transitive
Soient $P_1$, $P_2$ et $P_3$ trois polynômes à coefficients entiers, tels que $P_1\mathscr{R} P_2$ et $P_2\mathscr{R}P_3.$
D’une part, $Q\mid P_1-P_2$ et $Q\mid P_2-P_3.$ Par somme, vous déduisez $Q\mid (P_1-P_2) + (P_2-P_3)$ soit $Q\mid P_1-P_3.$
D’autre part, $n$ divise tous les coefficients des polynômes $P_1-P_2$ et $P_2-P_3.$
Si $P_1=P_2$ alors $n$ divise tous les coefficients du polynômes $P_1-P_3$ et donc $P_1\mathscr{R}P_3.$
Si $P_2=P_3$ alors $n$ divise encore tous les coefficients du polynômes $P_1-P_3$ et donc $P_1\mathscr{R}P_3.$
Si $P_1\neq P_2$ et si $P_2\neq P_3$ vous notez le maximum des degrés des polynômes $P_1-P_2$ et $P_2-P_3.$ Il existe un entier naturel $d$ et des entiers $u_0,\dots u_d$ ainsi que des entiers $v_0,\dots,v_d$ tels que :
Or, pour tout entier $i$ compris entre $0$ et $d$, $n\mid u_i$ et $n\mid v_i.$ Par somme, vous déduisez que $n\mid u_i+v_i.$ L’entier $n$ divise tous les coefficients du polynôme $P_1-P_3.$ Il en résulte que $P_1\mathscr{R}P_3.$
Passez à l’ensemble quotient $\Z[X] / \mathscr{R}$
La relation $\mathscr{R}$ étant réflexive, transitive et symétrique sur $\Z[X]$ elle est une relation d’équivalence.
Vous notez $\Z[X] / \mathscr{R}$ l’ensemble de toutes les classes d’équivalence obtenues.
Il est rappelé que pour tout polynôme $P$ à coefficients entiers, la classe de $P$ est définie par :
\{A\in\Z[X], A\mathscr{R}P\}.
Notez que, comme $\mathscr{R}$ est réflexive, la classe de $P$ n’est pas vide.
Ainsi, $\Z[X] / \mathscr{R}$ est un ensemble, formé par des classes d’équivalences qui sont toutes non vides.
Pour plus de commodité, quels que soient les polynômes $P_1$ et $P_2$ à coefficients entiers, vous notez $P_1\equiv P_2 \mod (n,Q)$ au lieu de $P_1\mathscr{R} P_2.$
Montrez la compatibilité avec l’addition
Soient $P_1$, $P_2$, $P_3$ et $P_4$ quatre polynômes à coefficients entiers tels que :
Vous avez $P_1\mathscr{R}P_2$ autrement dit, $Q\mid P_1-P_2$ et tous les coefficients du polynôme $P_1-P_2$ sont divisibles par $n.$
Vous en déduisez immédiatement que $Q\mid (P_1-P_2)-0$ et que tous les coefficients du polynôme $(P_1-P_2)-0$ sont divisibles par $n.$ Autrement dit $P_1-P_2 \mathscr{R} 0.$
De même, comme $P_3\mathscr{R}P_4$ vous déduisez par symétrie $P_4\mathscr{R}P_3$ puis $P_4-P_3 \mathscr{R} 0.$
Par transitivité, vous déduisez $P_1-P_2\mathscr{R} P_4-P_3.$
Ainsi, $Q$ divise le polynôme $(P_4-P_3)-(P_1-P_2) = (P_2+P_4)-(P_1+P_3).$
L’entier $n$ divise tous les coefficients de $(P_4-P_3)-(P_1-P_2) = (P_2+P_4)-(P_1+P_3).$
Autrement dit, il vient d’être prouvé que $P_1+P_3\mathscr{R} P_2+P_4$ soit :
P_1+P_3 \equiv P_2+P_4 \mod (n,Q).
Montrez la compatibilité faible avec le produit
Pour parvenir à ce résultat, fixez un polynôme $P$ à coefficients entiers.
Soient $P_1$ et $P_2$ deux polynômes à coefficients entiers tels que :
P_1\equiv P_2 \mod (n,Q).
D’une part, $Q\mid P_1-P_2.$ Or, $PP_1-PP_2 = P(P_1-P_2)$ si bien que $P_1-P_2 \mid PP_1-PP_2.$ Par transitivité, il vient $Q\mid PP_1-PP_2.$
D’autre part, il existe un entier naturel $d$ et des entiers $u_0,\dots,u_d$ tels que :
P_1(X)-P_2(X) = \sum_{i=0}^d u_i X^i.
L’hypothèse $P_1\mathscr{R} P_2$ fournit :
\forall i\in\llbracket 0, d\rrbracket, n\mid u_i.
Il existe un entier naturel $k$ et des entiers $v_0,\dots,v_k$ tels que :
P(X) = \sum_{j=0}^k v_j X^j.
Il vient alors :
\begin{align*}
(PP_1-PP_2)(X) &= P(X) (P_1(X)-P_2(X))\\
&= \left(\sum_{j=0}^k v_j X^j\right) \left(\sum_{i=0}^d u_i X^i\right)\\
&= \sum_{j=0}^k\sum_{i=0}^du_iv_j X^{i+j}\\
&= \sum_{\substack{0\leq j \leq k \\ 0\leq i \leq d}}u_iv_j X^{i+j}\\
&=\sum_{\ell = 0}^{k+d} \sum_{\substack{0\leq j \leq k \\ 0\leq i \leq d \\ i+j = \ell}}u_iv_j X^{i+j}\\
&= \sum_{\ell = 0}^{k+d} \left( \sum_{\substack{0\leq j \leq k \\ 0\leq i \leq d \\ i+j = \ell}}u_iv_j\right) X^{\ell}.
\end{align*}
Soit $\ell$ un entier compris entre $0$ et $k+d.$
Soient $i$ un entier compris entre $0$ et $d$, puis $j$ un entier compris entre $0$ et $k$ tels que $i+j=\ell.$
Comme $n\mid u_i$ et comme $u_i \mid u_iv_j$ vous déduisez $n\mid u_iv_j.$
Par somme, $n$ divise $\sum_{\substack{0\leq j \leq k \ 0\leq i \leq d \ i+j = \ell}}u_iv_j.$
Il en résulte que tous les coefficients du polynôme $PP_1-PP_2$ sont divisibles par $n.$
Vous déduisez que : $\boxed{PP_1\equiv PP_2 \mod (n,Q).}$
Montrez la compatibilité forte avec le produit
Soient $P_1$, $P_2$, $P_3$ et $P_4$ quatre polynômes à coefficients entiers tels que :
Pour tout polynôme $P$ à coefficients entiers, notez $\varphi(P)$ la classe d’équivalence du polynôme $P.$
Soient $U$ et $V$ deux éléments de $\Z[X] / \mathscr{R}.$ Comme $U$ et $V$ sont des classes d’équivalences, elles ne peuvent pas être vides. Il existe donc $P_U\in\Z[X]$ et $P_V\in\Z[X]$ tels que $U = \varphi(P_U)$ et $V = \varphi(P_V).$
L’addition de $U$ et de $V$ dans $\Z[X] / \mathscr{R}$ est définie par $\varphi(P_U+P_V).$ Cette opération est bien définie : d’après la compatibilité démontrée pour l’addition l’élément $\varphi(P_U+P_V)$ ne dépend pas du choix des représentants effectué pour $U$ et $V.$
De même, la multiplication de $U$ et de $V$ dans $\Z[X] / \mathscr{R}$ est définie par $\varphi(P_U P_V).$ Cette opération est aussi bien définie : d’après la compatibilité démontrée pour la multiplication l’élément $\varphi(P_U P_V)$ ne dépend pas non plus du choix des représentants effectué pour $U$ et $V.$
D’après la théorie développée plus haut, justifiez que l’ensemble quotient $\Z[X] / \mathscr{R}$ est un anneau unitaire commutatif muni des deux opérations définies ci-dessus.
Vous notez $A$ l’ensemble quotient défini par $\F_{2}[X] / (X^4+X^3+X^2+X+1)$ et $B$ l’ensemble quotient défini par $\F_{2}[X] / (X^4+X+1).$
Le lecteur est amené à vérifier par lui-même que les polynômes $X^4+X^3+X^2+X+1$ et $X^4+X+1$ sont irréductibles dans $\F_{2}[X].$
L’ensemble $A$ est un corps, il contient un élément $a\notin \F_{2}$ tel que $a^4+a^3+a^2+a+1=0$ et de sorte que $A = \{x+ y a+z a^2+ta^3, (x,y,z,t)\in \F_{2}^4\}.$ De plus, $a$ est annulé par le polynôme $X^4+X^3+X^2+X+1$ qui est aussi son polynôme minimal dans $\F_2[X].$
De même, l’ensemble $B$ est un corps, il contient un élément $b\notin \F_{2}$ tel que $b^4+b+1=0$ et de sorte que $B = \{x+ y b+z b^2+tb^3, (x,y,z,t)\in \F_{2}^4\}.$ De plus, $b$ est annulé par le polynôme $X^4+X+1$ qui est aussi son polynôme minimal dans $\F_2[X].$
Vous en déduisez que $A$ et $B$ possèdent ainsi $2^4 =16$ éléments chacun.
Le but de cet article est d’expliciter un isomorphisme du corps $B$ vers le corps $A.$
Analysez la situation pour construire un isomorphisme de corps
Soit $k$ un isomorphisme allant de $B$ vers $A.$
Partez de la relation $b^4+b+1=0.$ En appliquant $k$, il vient :
k(b^4+b+1) = k(0).
$k$ en tant qu’isomorphisme, vérifie $k(0)=0$ et $k(1)=1$ donc :
Vous posez $u = k(b)$ et obtenez que $u$ vérifie l’équation $u^4+u+1 = 0$, avec $u\in A.$
Du coup, il existe $x$, $y$, $z$ et $t$ quatre éléments de $\F_{2}$ tels que :
u = x+ya+za^2+ta^3.
Vous calculez $u^2$ en tenant compte du fait que $a^4+a^3+a^2+a+1=0$ ce qui s’écrit $\boxed{a^4 =a^3+a^2+a+1}.$ Vous avez remarqué que $1+1=0$ dans $\F_{2}$ impose que l’opposé de $1$ soit égal à $1.$
En multipliant la relation précédente par $a$, il vient :
Comme $\Q$ est inclus dans $\R$ et comme $\sqrt{2}\in\R$, vous déduisez, par stabilité de l’addition dans le corps $\R$, que $\Q(\sqrt{2}) \subset \R.$
Tout d’abord vous avez $1 = 1+0\times \sqrt{2}$ ce qui prouve que $1\in \Q(\sqrt{2}).$
Le neutre de la multiplication appartient à $\Q(\sqrt{2}).$
Soient $x$ et $y$ deux éléments de $\Q(\sqrt{2}).$ Il existe quatre rationnels, $a$, $b$, $c$ et $d$ tels que :
x=a+b\sqrt{2}\\
y=c+d\sqrt{2}.
Par somme, il vient :
x+y = (a+c)+(b+d)\sqrt{2}.
Comme le corps des rationnels est stable par addition, il vient $a+c\in\Q$ et $b+d\in\Q$ donc $x+y\in \Q(\sqrt{2}).$
De même :
-x = -a + (-b)\sqrt{2}.
Le corps des rationnels étant stable par passage à l’opposé, il vient $-a\in\Q$ et $-b\in\Q$ donc $-x\in \Q(\sqrt{2}).$
Supposez que $a^2-2b^2 = 0.$ Comme $x$ est non nul, il vient nécessairement $a-b\sqrt{2} = 0.$ Si $b$ est nul, alors $a = 0$ ce qui conduit à $x=0$ ce qui est absurde. Donc $b$ n’est pas nul. Du coup : $\frac{a}{b}=\sqrt{2}.$ Alors $\sqrt{2}\in\Q$ ce qui est encore absurde.
Comme $a\in\Q$ et comme $a^2-2b^2\in\Q^{*}$ vous déduisez $\frac{a}{a^2-2b^2}\in\Q.$ De même $-b\in\Q$ et $a^2-2b^2\in\Q^{*}$ d’où $\frac{-b}{a^2-2b^2}\in\Q.$ Vous déduisez que $\frac{1}{x}\in\Q(\sqrt{2}).$
Cette analyse montre qu’il y a au plus deux automorphismes de corps de $\Q(\sqrt{2})$, l’application identité et l’application de conjugaison définie par :
L’application identité est un morphisme du corps $\Q(\sqrt{2}).$ En tant que morphisme de corps, il est automatiquement injectif.
Soit maintenant $x\in\Q(\sqrt{2})$, comme $x=k(x)$, $x$ admet un antécédent par $k$ donc $k$ est surjectif. Donc $k$ est bien un automorphisme du corps $\Q(\sqrt{2}).$
Soit $x$ un élément de $\Q(\sqrt{2})$, il existe $a\in\Q$ et $b\in\Q$ tels que $x = a+b\sqrt{2}.$
Pour pouvoir poser $u(x) =a-b\sqrt{2}$ il convient de vérifier que, s’il existe $c\in\Q$ et $d\in\Q$ tels que $x = c+d\sqrt{2}$ alors vous avez aussi $a-b\sqrt{2} = c-d\sqrt{2}.$
En effet, si $x = a+b\sqrt{2} = c+d\sqrt{2}$ vous déduisez $a-c = (d-b)\sqrt{2}.$ Si $b\neq d$, $\sqrt{2} = \frac{a-c}{d-b}$ donc $\sqrt{2}\in\Q$ ce qui est absurde. Donc $b=d.$ Alors $a-c=0$ et $a=c.$ Du coup, il vient $a-b\sqrt{2} = c-d\sqrt{2}.$
Pour tout $x$ de $\Q(\sqrt{2})$ s’écrivant sous la forme $x = a+b\sqrt{2}$ avec $a$ et $b$ rationnels, on définit une application $u$ de $\Q(\sqrt{2})$ en posant $u(x) = a-b\sqrt{2}.$
Alors, $u(1) = u(1+0\sqrt{2}) = 1-0\sqrt{2} = 1.$
Soient $x$ et $y$ deux éléments de $\Q(\sqrt{2}).$ Il existe $a$, $b$, $c$ et $d$, quatre rationnels, tels que :
Il s’agit de démontrer dans cet article l’identité suivante :
\boxed{\tan 9°−\tan27°−\tan 63°+\tan 81°=4.}
Utilisant la symétrie par rapport à $45°$, vous constatez que $63° = 45°+18°$ et que $27° = 45°-18°.$
Vous posez, pour l’intégralité de cet article, $x=\frac{\pi}{10}.$ C’est le réel qui mesure en radians un angle de $18°.$ Vous effectuez le calcul d’une première somme.
Soit $f$ une fonction définie sur $\R$ et deux fois dérivable sur $\R$, de sorte que $f^{\pprime}$ soit une fonction positive. Soient $a$ et $b$ deux réels tels que $a<b.$
Pour tout réel $x$, vous posez $g(x) = f(x)-P(x).$
D’après ce qui précède, vous avez $g(a) = 0$ et $g(c)=0$, si bien que $g(a)=g(c).$ La fonction $g$ est dérivable sur $\R$ comme différence de la fonction $f$ et de la fonction polynôme $P$ qui le sont. Ainsi, $g$ est continue sur $[a,c]$ et dérivable sur $]a,c[.$ D’après le théorème de Rolle, il existe un réel $\alpha\in]a,c[$ tel que $g'(\alpha)=0.$
De même, vous avez $g(c) = 0$ et $g(b)=0$ si bien que $g(c)=g(b).$ La fonction $g$ est dérivable sur $\R$ donc elle est dérivable sur $]c,b[$ et elle est continue sur $[c,b].$ D’après le théorème de Rolle, il existe un réel $\beta\in]c,b[$ tel que $g'(\beta)=0.$
Notez que $\alpha < c <\beta$ si bien que $\alpha < \beta.$
De plus, pour tout réel $x$, il vient $g'(x) = f'(x)-P'(x).$ Comme $f$ est deux fois dérivable sur $\R$, $f’$ est bien dérivable sur $\R.$ La fonction polynôme $P’$ est elle aussi dérivable sur $\R.$ Par différence, $g’$ est dérivable sur $\R.$ En particulier, $g’$ est continue sur $[\alpha, \beta]$ et dérivable sur $]\alpha, \beta[.$ Comme $g'(\alpha) = g'(\beta)$ le théorème de Rolle fournit l’existence d’un réel $\xi\in]\alpha, \beta[$ tel que $g^{\pprime}(\xi) = 0.$
Or, pour tout réel $x$, $g^{\pprime}(x) = f^{\pprime}(x)-P^{\pprime}(x).$
En évaluant pour $x=\xi$, vous déduisez $f^{\pprime}(\xi)-P^{\pprime}(\xi) = 0$ soit $f^{\pprime}(\xi)=P^{\pprime}(\xi).$
La dérivée seconde de $f$ étant positive sur $\R$ tout entier, vous déduisez $\boxed{P^{\pprime}(\xi) \geq 0.}$
Note. Le polynôme $P$ ayant un degré inférieur ou égal à $2$, on retrouve que $P’$ est de degré inférieur ou égal à $1$ et donc $P^{\pprime}$ est bien constant.
Concluez
En évaluant en $X=\xi$ et en tenant compte de l’inégalité $P^{\pprime}(\xi)\geq 0$ vous déduisez:
Pour toute fonction $f$ définie sur $\R$ et deux fois dérivable sur $\R$ et de dérivée seconde positive, il a été montré que quels que soient les réels $a$ et $b$ tels que $a<b$ vous avez l’inégalité :
La suite $(c_k)_{k\geq 0}$ est strictement croissante et converge vers $1.$ D’autre part, pour tout entier naturel $k$, $c_k\neq 1.$
Note. La démonstration de ces résultats est laissée au lecteur et ne sera pas traitée dans cet exposé.
Soit $\sum_{k\geq 1} a_k$ une série réelle convergente.
Vous notez sa limite ainsi :
\boxed{A=\sum_{k=1}^{+\infty} a_k.}
Notez que la suite $(a_k)_{k\geq 1}$ converge alors vers $0.$ Il en est de même de la suite $(\vert a_k \vert)_{k\geq 1}$. En tant que suite positive convergente, elle est majorée.
Il existe un réel $\boxed{M>0}$ tel que $\boxed{\forall k\geq 1, \vert a_k \vert \leq M.}$
A cette série, vous associez la fonction $h: [0,1]\to \R$ définie de la façon suivante :
D’autre part, la fonction $h$ est constante sur l’intervalle $[c_{k-1},c_k[$ et prend pour valeur $2^k a_k.$ Le graphique ci-dessous illustre une représentation possible de la fonction $h$ sur l’intervalle $[0 ; 15/16[.$ Par contre la représentation de $h$ sur l’intervalle $[15/16, 1[$ a été omise, compte tenu du nombre infini d’intervalles qu’il faudrait représenter.
Graphiquement, il semble légitime de considérer que l’aire du domaine délimité par l’axe des abscisses, la courbe de la fonction $h$, l’axe des ordonnées et la droite verticale d’équation $x=1$ est égale à:
Avant d’affirmer la validité de cette égalité, il convient de procéder aux démonstrations requises.
Objectif principal
Quelques définitions : notion de subdivision étiquetée
On appelle subdivision étiquetée $P$ de l’intervalle $[0,1]$ tout ensemble fini tel que :
il existe un entier $n\geq 1$ ;
et il existe $(x_0,\dots,x_n)\in\R^{n+1}$ tel que $x_0 < \dots < x_n$ avec $x_0=0$ et $x_n = 1$ ;
et il existe $(t_1,\dots,t_n)\in\R^n$ tel que $\forall i\in\llbracket 1, n\rrbracket, t_i\in[x_{i-1},x_i]$ tels que :
$P = \{ ([x_{i-1}, x_i], t_i), 1\leq i \leq n\}.$
La subdivision $P$ étant définie, les intervalles $[x_{i-1},x_i]$ sont appelés intervalles de la subdivision $P$ et les réels $t_i$ sont appelés les étiquettes de la subdivision $P.$ Pour chaque intervalle $[x_{i-1},x_i]$, le réel $t_i$ est son étiquette.
Pour plus de commodité dans la suite, la somme $\sum_{i=1}^n h(t_i)(x_i-x_{i-1})$ sera appelée somme de Riemann de $h$ associée à la subdivision étiquetée $P$ et sera notée :
S(h,P)=\sum_{i=1}^n h(t_i)(x_i-x_{i-1}).
Notion de subdivision fine
Soit $n$ un entier tel que $n\geq 1.$ Soit $\delta: [0,1]\to \R_{+}^{*}$ une fonction strictement positive sur $[0,1]$ et soit $P = \{ ([x_{i-1}, x_i], t_i), 1\leq i \leq n\}$ une subdivision étiquetée de l’intervalle $[0,1].$
La subdivision $P$ est dite $\delta$-fine si et seulement si :
Dans ce qui suit, il sera démontré en détail que la fonction $h$ est intégrable au sens de Henstock-Kurzweil sur $[0,1]$ et que son intégrale est bien égale à la somme de la série précitée :
\int_{0}^1 h(t)\dt = A.
Cela signifie que, pour tout réel $\varepsilon$ strictement positif, il existe une fonction $\delta: [0,1]\to \R_{+}^{*}$ (appelée jauge) strictement positive telle que pour toute subdivision étiquetée $P$ de l’intervalle $[0,1]$ qui soit $\delta$-fine, vous ayez la majoration :
\left\vert S(h,P) - A \right\vert \leq \varepsilon.
Analyse et construction d’une jauge
Soit $\varepsilon$ un réel strictement positif fixé.
Vous considérez une fonction $\delta: [0,1]\to \R_{+}^{*}$, appelée jauge.
Soit maintenant et $n\in\NN$ et $P = \{ ([x_{i-1}, x_i], t_i), 1\leq i \leq n\}$ une subdivision étiquetée de l’intervalle $[0,1]$ qui soit $\delta$-fine.
Choisissez la jauge pour que l’étiquette $t_1$ soit égale à $0$
Vous allez imposer la propriété suivante pour la jauge $\delta$ :
Ce résultat est contradictoire avec $t_n \in [0,1[.$
Grâce à ce raisonnement par l’absurde, vous avez établi que:
\boxed{t_n =1.}
Définissez une utile fonction $\varphi$
Vous notez $\boxed{E = \{ c_k, k\in\N\}.}$ Soit maintenant un réel $x$ appartenant à l’ensemble $]0,1[\setminus E.$ L’ensemble $B = \{ \vert x-c_k\vert, k\in\N \}$ est une partie de $\R.$ Prenant $k=0$, il apparaît que $\vert x-c_0\vert \in B$ donc $B$ est non vide. D’autre part, $\forall k\in\N, \vert x-c_k\vert \geq 0$ donc $0$ minore $B.$
Il en résulte que $B$ admet une borne inférieure, qui sera notée $\varphi(x).$
ll s’agit maintenant de caractériser $\varphi(x)$ et de montrer que c’est un réel strictement positif.
En raisonnant par l’absurde, supposez que:
\forall k\in\N, c_k\leq x.
En passant à la limite, quand $k\to +\infty$ on aurait $1\leq x$ ce qui contredit le fait que $x \in]0,1[.$
Donc il existe un nombre $\ell \in \N$ tel que $x<c_{\ell}.$
L’ensemble $\{k\in\N, x<c_k\}$ est une partie de $\N$ qui est non vide puisqu’elle contient $\ell.$ Elle admet un plus petit élément qui sera noté $m(x).$
Si $m(x)=0$, alors $x<c_{m(x)}$ fournit $x<c_0$ soit $x<0$ ce qui est absurde. Donc $m(x)\neq 0$ et par suite $m(x)\geq 1.$ Comme $m(x)-1$ est un entier naturel qui est strictement inférieur au minimum de l’ensemble $\{k\in\N, x<c_k\}$, vous déduisez que $c_{m(x)-1}\leq x.$ Du coup, $c_{m(x)-1}\leq x < c_{m(x)}.$
Soit $k\in\N.$ Si $k\geq m(x)$ par croissance de la suite $(c_i)_{i\geq 0}$ il vient $c_{m(x)}\leq c_k$ donc $x < c_{m(x)} \leq c_k$ donc $\vert x-c_k\vert \geq \vert x-c_{m(x)}\vert.$
Si $k < m(x)$ alors $k\leq m(x)-1.$ Toujours par croissance de la suite $(c_i)_{i\geq 0}$ il vient $c_k\leq c_{m(x)-1}\leq x$ donc $\vert x-c_k\vert \geq \vert x-c_{m(x)-1}\vert.$
Le nombre $\min\{\vert x-c_{m(x)}\vert, \vert x-c_{m(x)-1}\vert\}$ minore l’ensemble $B.$ Comme $\varphi(x)$ est le plus grand des minorants de $B$, vous avez obtenu:
Comme $m(x)$ est un entier naturel, $\vert x-c_{m(x)}\vert \in B.$ Comme $\varphi(x)$ est un minorant de $B$, vous déduisez $\varphi(x)\leq \vert x-c_{m(x)}\vert.$
Comme $m(x)-1$ est un entier naturel, $\vert x-c_{m(x)-1}\vert \in B.$ Comme $\varphi(x)$ est un minorant de $B$, vous déduisez $\varphi(x)\leq \vert x-c_{m(x)-1}\vert.$
Comme $\min\{\vert x-c_{m(x)}\vert, \vert x-c_{m(x)-1}\vert\}$ est nécessairement égal à l’un des deux nombres parmi $\vert x-c_{m(x)-1}\vert$ et $\vert x-c_{m(x)}\vert$ vous déduisez:
\boxed{\forall x\in]0,1[\setminus E, \varphi(x) = \min\{\vert x-c_{m(x)}\vert, \vert x-c_{m(x)-1}\vert\}.}
Soit $x\in]0,1[\setminus E.$ Supposez que $\varphi(x)=0.$ Alors soit $\vert x-c_{m(x)} \vert=0$ ce qui fournit $x = c_{m(x)}$ et donc $x\in E$ ce qui est absurde. Soit $\vert x-c_{m(x)-1} \vert=0$ ce qui fournit $x = c_{m(x)-1}$ et donc $x\in E$ ce qui est absurde.
Ainsi:
\boxed{\forall x\in]0,1[\setminus E, \varphi(x) >0.}
Choisissez la jauge pour obtenir une propriété sur les intervalles de la subdivision $P$ dont l’étiquette n’appartient pas à $E$
Il a déjà été établi que $0$ et $1$ sont des étiquettes.
Soit $i\in\llbracket 1, n\rrbracket$ un indice tel que $t_i\in]0,1[$ soit une étiquette pour un intervalle $[x_{i-1},x_i]$ de la subdivision $P.$ Supposez que $t_i \notin E.$
Vous allez imposer la propriété suivante pour la jauge $\delta$ :
\boxed{\forall t\in]0,1[\setminus E, \delta(t) \leq \frac{\varphi(t)}{2}.}
Il a été vu que:
\forall x\in]0,1[\setminus E, c_{m(x)-1}\leq x < c_{m(x)}.
En particulier, pour $x=t_i$ vous déduisez:
c_{m(t_i)-1}\leq t_i < c_{m(t_i)}.
Comme $t_i\notin E$, vous avez $t_i\neq c_{m(t_i)-1}$ d’où:
Il en résulte que $[x_{i-1},x_i]\subset ]c_{m(t_i)-1}, c_{m(t_i)}[.$
Cette section a établi le résultat suivant:
\boxed{\forall i\in\llbracket 1, n\rrbracket, t_i\in]0,1[\setminus E \implies [x_{i-1},x_i]\subset ]c_{m(t_i)-1}, c_{m(t_i)}[.}
Choisissez la jauge de sorte que tout intervalle de $P$ (excepté le dernier) qui contient une valeur $c_k$ pour k entier naturel non nul a son étiquette qui est égale à $c_k$
Ce résultat sera prouvé en deux temps. Tout d’abord vous prouvez un résultat plus faible.
Vous établissez d’abord que tout intervalle de $P$ (excepté le dernier) contenant une valeur $c_k$ pour k entier naturel non nul a son étiquette qui appartient à $E.$
Puisque $[x_0,x_1]\subset [0,1/4]$, il est impossible d’avoir $n=1$ donc la partition $P$ comprend au moins deux intervalles, c’est-à-dire $\boxed{n\geq 2.}$
Soit $k\in\NN$ tel qu’il existe un entier $i\in \llbracket 1, n-1\rrbracket$ vérifiant $c_k\in[x_{i-1},x_i].$
Supposez que l’étiquette $t_i$ de l’intervalle $[x_{i-1},x_i]$ n’appartienne pas à $E.$
Si $t_i = 0$ alors c’est que $i=1.$ Vous avez $[x_0,x_1]\subset[0,1/4]$ et par conséquent $c_k \in [0, 1/4]$, ce qui entraîne que $c_k = 0$ et $k=0$, contradiction avec $k\in\NN.$
Donc $t_i > 0.$ Comme $t_i\leq x_{i} < x_n$ vous avez $t_i\in]0,1[.$
Puisque $t_i\in]0,1[\setminus E$ vous déduisez que $[x_{i-1},x_i]\subset ]c_{m(t_i)-1}, c_{m(t_i)}[.$
Comme $c_k\in [x_{i-1},x_i]$ il en résulte que $c_{m(t_i)-1}<c_k < c_{m(t_i)}.$
Comme la suite $(c_m)_{m\geq 0}$ est strictement croissante, il vient $m(t_i)-1< k < m(t_i).$
Comme $k$ et $m(t_i)-1$ sont des entiers, l’inégalité $m(t_i)-1<k$ entraîne $m(t_i)\leq k$ ce qui contredit $k<m(t_i).$
Note. A ce stade, il est tout à fait possible qu’un intervalle de la subdivision $P$ contienne plusieurs valeurs de $E.$
Vous allez ajuster la jauge pour que cela ne puisse pas se produire.
Vous choisissez maintenant la jauge pour que toute tout intervalle de $P$ (excepté le dernier) qui contient une valeur $c_k$ pour k entier naturel non nul, ait son étiquette égale à $c_k.$
Soit $k\in\NN$ tel qu’il existe un entier $i\in \llbracket 1, n-1\rrbracket$ vérifiant $c_k\in[x_{i-1},x_i].$
Il a été vu que $t_i \in E$ donc il existe un entier naturel $\ell$ tel que $t_i = c_{\ell}.$
Si $c_{\ell}\neq c_k$, alors $k\neq \ell$ et deux cas se présentent.
1er cas. $k < \ell$ soit $k+1\leq \ell.$ Donc il existe un entier naturel $\zeta$ tel que $\ell = k+1+\zeta.$
Vous remarquez que $c_4\in]x_8,x_9]$ et que $c_3\notin ]x_8,x_9].$
La suite $(c_k)_{k\geq 4}$ étant strictement croissante et convergente vers $1=x_9$ vous déduisez que :
\forall k\geq 4, x_8 < c_k <1.
Le dernier intervalle de la subdivision $P$ contient presque toutes les valeurs de la suite $(c_k)_{k\geq 0}.$ De plus, comme $h(1)=0$ vous déduisez que :
h(1)(x_9-x_8)=0.
La somme de Riemann de la subdivision $P$ est égale à :
Note. Dans le cas où il existerait un nombre $i\in\NN$ et nombre $j\in\N$ tels que $c_i\in [x_{j-1},x_j]$ et $c_i\in [x_j, x_{j+1}]$, alors ces deux intervalles adjacents ont la même étiquette qui est $c_i = x_j$ si bien que la majoration ci-dessus reste valable.
Majorez l’écart entre la somme de Riemann et la valeur $A$
Il s’agit de majorer par $\varepsilon$ le nombre $\vert S(h,P)-A \vert.$
Dans l’exemple précédent, il a été vu que $\vert S(h,P) – (a_1 +a_2+ a_3)\vert \leq \frac{\varepsilon}{2}.$
Cette majoration n’est valable toutefois que pour les subdivisions $\delta$-fines, pour lesquelles vous aviez :
Si $P$ est une subdivision $\delta$-fine, vous avez, puisque $t_n=1$ :
[x_{n-1},x_n]\subset [1-\delta(1), 1].
En prenant les longueurs de ces intervalles : $x_n-x_{n-1}\leq \delta(1).$
D’une part, $x_{n-1}< x_n$ avec $x_n=1$ donc $x_{n-1} < 1.$
D’autre part, la suite $(c_k)_{k\geq 0}$ converge vers $1$ donc il existe un entier $\ell \geq 0$ tel que $x_{n-1} < c_{\ell}.$
L’ensemble $\{k\in\N, x_{n-1}< c_k\}$ est une partie de $\N$ qui est non vide. Vous notez $\mu$ son plus petit élément.
Comme $x_{n-1}\geq 1/4$ vous déduisez $x_{n-1} \geq c_0.$ Par suite, $0$ n’appartient pas à $\{k\in\N, x_{n-1}< c_k\}$ donc $\mu\neq 0$ et comme $\mu\in\N$ il vient $\mu \geq 1.$
Pour tout $k\in\llbracket 0, \mu-1\rrbracket$, $k$ est un entier naturel strictement inférieur à $\mu$, le plus petit élément de $A$. Donc $k$ n’appartient pas à $A$ et par suite $x_{n-1}\geq c_k.$
Alors, pour toute subdivision étiquetée $P$ de $[0,1]$ qui est $\delta$-fine :
\vert S(h,P)-A \vert \leq \varepsilon.
La fonction $h$ est Henstock-Kurweil intégrable sur l’intervalle $[0,1]$ et son intégrale correspondante est égale à :
\boxed{\int_0^1h(t)\dt = A.}
Prolongement
Pourriez-vous expliciter une fonction réelle $h$ définie sur l’intervalle $[0,1]$ de sorte que $h$ soit Henstock-Kurzweil intégrable, mais de sorte que la valeur absolue $\vert h \vert$ ne le soit pas ?
Le théorème de Gauss-Lucas énonce que les racines complexes du polynôme dérivé d’un polynôme complexe non constant sont toutes situées à l’intérieur de la région convexe délimitée par les racines du polynôme initial. Vous en trouverez une démonstration rédigée dans le contenu de l'article 320.
Autrement dit, si vous visualisez les racines du polynôme complexe comme des points sur un plan complexe, alors les racines du polynôme dérivé sont nécessairement contenues à l’intérieur du polygone formé par ces points.
Si vous vous cantonnez au cas réel, le résultat précédent peut devenir faux. C’est l’objet de cet article : les racines réelles de la dérivée d’un polynôme non constant ne sont pas nécessairement toutes situées à l’intérieur de la région convexe délimitée par les racines réelles du polynôme initial.
Utilisez un polynôme réel non scindé
Soit $r$ un nombre réel non nul qui sera choisi plus tard. Vous définissez un polynôme $P\in\R[X]$ en posant :
P(X) = (X-1)(X-2)(X^2+rX+r^2).
Le discriminant du trinôme $X^2+rX+r^2$ est égal à :
\Delta = r^2-4r^2=-3r^2.
Ainsi, $\Delta$ est strictement négatif. Du coup, $X^2+rX+r^2$ n’a pas de racine réelle et par suite, le polynôme $P$, en tant qu’élément de $\R[X]$ n’est pas scindé.
Il admet $1$ et $2$ pour racines, les deux autres étant complexes non réelles.
La région convexe délimitée par les racines réelles de $P$ est l’intervalle $[1,2].$ Il sera montré dans la suite que le polynôme $P’$ admet une racine réelle n’appartenant pas cet intervalle.
Calculez le polynôme dérivé
Vous utilisez la formule de dérivation d’un produit composé de trois facteurs.
Supposez que $r$ soit choisi pour que le polynôme $P’$ admette exactement deux racines réelles. Ce choix est motivé par le fait que les deux racines précédentes sont rapidement calculables en fonction des coefficients de ce polynôme.
Vous notez $u\in\R$ et $v\in\R$ les deux racines réelles de $P’$ avec $u\neq v.$
Vous effectuez la division euclidienne de $P’$ par $X-u.$ Puisque $u$ est racine de $P’$, il existe un polynôme réel $Q$ de degré $2$ tel que :
P'(X) = (X-u)Q(X)
En évaluant cette expression en $v$, il vient $0 = (v-u)Q(v).$ Ainsi $Q(v) = 0.$
Vous effectuez la division euclidienne de $Q$ par $X-v$ et déduisez l’existence d’un polynôme réel $S$ de degré $1$ tel que :
Q(X) = (X-v)S(X).
Du coup :
P'(X) = (X-u)(X-v)S(X).
Par identification du coefficient dominant de $P’$ avec celui du polynôme $(X-u)(X-v)S(X)$ vous déduisez que le coefficient dominant de $S$ est égal à $4.$ En appelant $w\in\R$ le coefficient constant du polynôme $S$, il vient :
P'(X) = (X-u)(X-v)(4X+w).
Cela conduit à :
P'\left(\frac{-w}{4}\right) = 0.
Si vous aviez :
\frac{-w}{4}\not\in\{u,v\}
Alors le polynôme $P’$ admettrait trois racines réelles, ce qui est exclu.
La fonction $f’$ est strictement croissante sur $[0,1].$ Or $f'(0) = -126$ et $f'(1) = 1620.$ Comme $f’$ est une fonction polynôme, elle est continue sur l’intervalle $[0,1].$ Donc la fonction $f’$ réalise une bijection de $[0,1]$ vers $[-126,1620].$ Il existe unique réel $\zeta\in[0,1]$ tel que $f'(\zeta) = 0.$
La stricte croissance de $f’$ sur $[0,1]$ implique alors que $f’$ est strictement négative sur $[0, \zeta[$ et strictement positive sur $]\zeta, 1].$
La fonction $f$ est par conséquent strictement décroissante sur $[0, \zeta]$ et elle est strictement croissante sur $[\zeta, 1].$ Comme $f(0) =-68 $, $f(0)$ est strictement négatif et $f(\zeta)$ l’est aussi.
$f$ étant continue sur $[\zeta, 1]$ et strictement croissante sur cet intervalle, $f$ réalise une bijection de $[\zeta, 1]$ vers $[f(\zeta), f(1)].$ Comme $f(1)=324$, vous avez $f(\zeta)<0<324.$ Il en résulte qu’il existe un unique réel $\eta$ appartenant à $[\zeta, 1]$ tel que $f(\eta)=0.$
$f$ étant décroissante sur $[0, \zeta]$ avec $f(0)<0$ vous déduisez que pour tout $x\in[0,\zeta], f(x) < 0.$ En particulier la fonction $f$ ne s’annule pas sur $[0,\zeta].$
En définitive, il existe un unique réel (qui est $\eta$) appartenant à l’intervalle $[0, 1]$ qui annule la fonction $f.$
Dans la suite, vous définissez $r$ comme étant l’unique réel de l’intervalle $[0,1]$ tel que :
Comme $\xi$ est une racine du polynôme $P’$, il a bien été prouvé que $\xi \notin[1,2].$
Il existe une racine réelle de $P’$ qui n’est pas comprise entre la plus grande racine réelle de $P$ et la plus petite racine de $P.$ Le théorème de Gauss-Lucas ne peut pas être cantonné au cas réel.
Inspirez vous du logarithme népérien d’un réel strictement positif
Soit $a$ un réel strictement positif.
La fonction réelle $x\mapsto a^x$ est définie sur $\R$ et pour tout réel $x$, la dérivée est la fonction $x\mapsto (\ln a)a^x.$
Du coup, $\ln a$ est obtenu en dérivant la fonction $x\mapsto a^x$ et en évaluant l’expression obtenue en $0.$
Le problème qui se pose ici concerne l’évaluation de $(-1)^x$ lorsque $x$ est un réel. Pour contourner cette difficulté, vous utilisez la relation d’Euler, à savoir $-1 = \e^{i\pi}.$
Du coup, la fonction réelle $x\mapsto \e^{i\pi x}$ est bien définie et dérivable sur $\R$, de dérivée $x\mapsto i\pi \e^{i\pi x}.$
Formez une expression matricielle
D’après ce qui précède, vous posez, pour tout réel $x$ :
Vous étudiez maintenant la matrice $S$ définie par le bloc de taille $2\times 2$ de la matrice $P_1^{-1}BP_1$ situé en bas à droite. Vous posez :
S = \frac{1}{2}\begin{pmatrix}
1+2\ln 2 & 1\\
-1&-1+2\ln2
\end{pmatrix}.
Vous cherchez la forme de Jordan de $S$ avec une matrice inversible associée.
Le polynôme caractéristique de $S$ est égal à $(X-\ln 2)^2$ étant donné que le produit par blocs du déterminant de $P_1^{-1}BP_1$ qui est identique à celui de $B.$
Subséquemment, le nombre $\ln 2$ est une valeur propre de $S.$
Vous cherchez un couple $(x_1,x_2)\in\C^2$ non nul tel que :